A
vec une longue existence derrière lui et encombré de souvenirs terribles et déçus, il marche. Dans ses pensées, ses camarades emportés sur les barricades d’une révolution qui, à peine commencée, fut déjà écrasée : des cris, du sang et l’odeur de la poudre. Sur son chemin, des regrets, des rêves assassinés et des ombres qui attendent. Tout le monde connaît celle qu'il trouvera sur le seuil du grand rien et, pourtant, nous continuons à espérer.
Pour réaliser 20 ans en mai 1871, Jacques Tardi s’est imposé les contraintes telles que définies par Frans Masereel en 1918 : raconter une histoire en se limitant à vingt-cinq images muettes. Pour mener à bien ce projet, le créateur d’Adèle Blanc-Sec revient sur un de ses lieux du crime favori (cf. Le cri du peuple) et décris l'ultime sortie d’un ancien communard, un de ces combattants qui croyaient possible une société plus juste. Le vieillard traverse le cimetière du Père Lachaise et tente de remonter le temps. Il est accompagné d’un corbeau, oiseau à la symbolique variable suivant d’où il est considéré. Cependant, très rapidement, le lecteur comprend qu’il s’agit d’un mauvais présage. C’est vers sa dernière demeure que le grabataire semble se diriger. Autour de lui, les fantômes de la Commune et de quelques Versaillais l’accompagnent discrètement. L’heure n’est plus à la lutte, il est tellement fatigué et accablé. Tâchons simplement d’être digne de ceux qui sont tombés il y a si longtemps et, surtout, n’oublions pas pourquoi.
Paris, premier tiers du XXe siècle, les rues, les bâtiments, le célèbre cimetière et Tardi aux pinceaux. Oui, il s’agit d’un récit de peu et passablement dispendieux. Mais voilà, la force d’évocation d’un des plus grands auteurs de la bande dessinée francophone illustrant un de ses sujets fétiches est là et imprègne chaque vignette. La procession est courte, la tension toute intérieure et l’ambiance lourde, faisons en sorte de profiter de la balade, pas certain qu’il y en aura beaucoup d’autres, malheureusement.
Un vieil homme sort de sa maison pour se rendre au Père Lachaise, les corbeaux rôdent, la mort aussi. Quelle dernière mission veut-il remplir ? Hommage singulier aux morts de la Commune rendu par Jacques TARDI qui stigmatise l’action d’Adolphe THIERS, grand ordonnateur du massacre des insurgés et dont le mausolée est l’un des plus imposant du cimetière.
25 images, sans parole, comme c’est l’usage dans cette collection des Éditions Martin de Halleux, un style qui colle parfaitement aux dessins de TARDI et à son imaginaire inventif. Du grand art comme toujours avec lui. A lire et à relire … si je puis dire.
Comme le veux la collection un album sans le moindre phylactère et comme le veut le titre une évocation de la Commune.
Tout est dit dans l'introduction, reste le dessin de Tardi mais toutes les pages ne se valent pas