D
epuis la mort de leurs parents, les frères Isaïe et Marcellin demeurent ensemble, dans une fermette perdue au milieu des Alpes. Cette vie simple plaît à l'aîné. Le cadet rêve pour sa part de s'émanciper et de vivre au village. Lorsqu'un avion s'écrase à proximité, les deux gaillards décident de se rendre sur les lieux, même si l’ascension s’annonce périlleuse en novembre. L'un y va dans l'espoir de porter secours à d'éventuels survivants, le second projette plutôt de dépouiller les cadavres.
La neige en deuil est l'adaptation d’un roman d’Henri Troyat publié en 1952. Le futur détenteur du fauteuil vingt-huit de l’Académie française s’est inspiré de l'écrasement, alors récent, du Malabar Princess. Le ton demeure vieillot, mais il y a quelque chose d'universel dans le choc des valeurs qu’il décrit. D'un côté, la tradition, la loyauté et le respect, de l'autre le progrès, l'opportunisme et la cupidité.
La montagne se révèle centrale. De sa hauteur, elle domine la région et ses habitants. C’est d’ailleurs elle qui tranchera le débat entre les deux frangins. Omniprésente, elle fait presque figure de troisième acteur.
Auteur complet, Dominique Monféry adopte un style rappelant celui de Guillaume Sorel. Son trait traduit la grandeur d'une nature hostile. Une démesure mise en apposition avec des visages souvent captés de très près. Sa belle maîtrise des couleurs, travaillées à l'aquarelle, rehausse tant les clairs-obscurs intimistes que la lutte contre les éléments. Un bémol, à quelques reprises, le lecteur à l'impression que l'artiste n'a pas suffisamment retravaillé les photographies à partir desquelles il a réalisé certaines cases, notamment dans le hameau.
Une adaptation réussie, dont l’esprit suggère un peu celui de Marcel Pagnol.
C'est un horrible drame montagnard que voilà tiré d'un roman d'Henri Troyat et joliment adapté sur le support de la bande dessinée. Je me rappelle encore de l'adaptation au cinéma datant de 1956 avec Spencer Tracy.
Un berger de la montagne Isaïe ayant subi un terrible accident de montagne quelques années plus tôt vit seul avec son jeune frère Marcellin. Ce dernier souhaite partir à la ville pour vivre une vie meilleure loin de la rudesse de la montagne. Cependant, il a besoin d'argent afin de s'associer pour une petite affaire. Il souhaite vendre la maison familiale ce qu’Isaïe refuse catégoriquement.
Le crash d'un avion au sommet de la montagne va redistribuer des cartes. Marcellin, en vrai opportuniste, tente de corrompre son frère dans une entreprise pour le moins risquée afin de dépouiller les cadavres de l'épave comme de vulgaires détrousseurs. L'appât du gain contre l'amour familial. Evidemment, cela va à l'encontre des principes d'Isaïe qui devra faire un choix entre son frère et une rescapée.
Ce qui est vraiment malheureux dans ce récit est la fin composée de folie et de mort. Il n'y aura manifestement pas de happy end. C'est la neige en deuil. La montagne peut être belle mais elle est également d'une cruauté sans nom. Cependant, cela sera surtout un témoignage de la nature humaine dans ce qu'elle a de pire et de meilleur...