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ack Staton lutte pour sa survie sur une Terre dévastée et vide de toute vie humaine. Cela ne fait désormais plus de doute, les ruines qui s'étendent sous ses yeux chaque matin sont bien celles de New York. Comment a-t-on pu en arriver là ? Jack n'en a pas le moindre souvenir puisqu'il se préparait, seulement deux jours auparavant, à inaugurer la réception qui devait faire de lui une star des médias new-yorkais.
Ante Genesem, sans m'avoir totalement conquis, avait su me troubler par une ambiance inédite et son univers graphique aux relents très lovecraftiens. Autant l'avouer de suite, Infernum In Terra n'a pas su, à mon sens, confirmer les promesses laissées en suspend à la fin du premier tome. Sa couverture, grandiose, laissait pourtant présager le contraire...
Les premières pages tournées, l'impression de déjà-vu se précise avec la séance de flash-back aussi attendue qu'inutile. L'évènement central de l'album sera la confrontation de Jack avec le démon lancé à sa poursuite puis l'arrivée providentielle des "adaptés", derniers rescapés du genre humain. A partir de cet instant, le scénario sombrera dans une trame assez décevante où Jack tiendra le rôle du Prophète incrédule, persuadé qu'il y a en fait erreur sur la personne. L'introduction des personnage secondaires, et de la lutte qui les anime, ôte à mon avis, tout intérêt au récit. L'idée de base était pourtant séduisante: un homme, perdu en terre hostile, au milieu de ruines cyclopéennes, luttant pour son équilibre mental. Elle aurait cependant mérité un développement plus subtile. Ainsi, à l'instar des nouvelles de Lovecraft, le héros aurait pu poursuivre sa quête initiatique en solitaire, sans l'aide de compagnons lui intimant son devoir de prophète. Comme s'il était incapable de le deviner seul... C'est sur ce point,et il aurait été judicieux que Lauffray s'en inspire, que Lovecraft crée tout l'intérêt de son mythe: c'est la réflexion rationnelle confrontée à l'inexplicable qui intime aux protagonistes l'existence d'un monde hideux, dangereux et invisible. Aussi, introduire ces personnages secondaires, c'est attribuer autant de vies supplémentaires au héros: les uns après les autres, ils lui serviront de protection pour que lui seul puisse accéder à l'ultime étape de sa quête. Bref, il y a peu de chances que l'entreprise échoue et je trouve cette prévisibilité regrettable. Lauffray nous livre donc une quête quasi-résolue alors que son amorce laissait espérer bien plus que cela.
Techniquement, le dessin souffre d'un encrage parfois trop lourd. Quel dommage lorsque que l'on connaît la qualité et la force du trait de l'auteur. Le format BD n'est sans doute pas le domaine où Lauffray m'aura le plus ébloui. La mise en couleurs renvoie très bien l'atmosphère qui règne sur ces terres désolées et, comme lors du premier tome, elle parvient à nous plonger dans une dimension inquiétante et exotique. Le pari du dépaysement est, de ce côté, relevé.
A noter également le charisme exceptionnel de certains "adaptés". Dommage qu'il ne rejaillisse pas un peu sur le personnage de Jack...
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