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endredi 21 septembre 2012, Florent «Casti» Castineira boit un verre avec des potes en attendant le début du Montpellier – Saint-Étienne comptant pour la sixième journée de championnat. C’est un fan du club, un ultra connu et très apprécié chez les amateurs de ballon rond. Des cris se font entendre, sans doute des gars qui ont déjà commencé à fêter l’évènement. Soudainement, un claquement et le jeune homme tombe à terre et une flaque de sang apparaît autour de sa tête. Il vient d’être touché par une balle de caoutchouc tirée par les forces de l’ordre à l’aide d’un lanceur de balles de défense (LBD), une arme à létalité atténuée, un flashball. Victime collatérale d’une intervention qui a mal tourné ? Non respect des règles d’engagement ? Bavure ? Après quelques semaines d’hôpital et la perte définitive d’un œil, Casti entame une lutte judiciaire de plus de dix ans pour savoir ce qui a entraîné son infirmité et, surtout, faire accepter à l’État, la responsabilité de ce geste malheureux et dramatique.
Moitié docu-BD documenté et intelligemment argumenté, moitié coup de gueule et cri du cœur logiquement à charge, Casti – Quand l’État mutile décrit minutieusement un interminable combat face à la machine judiciaire et policière. Casti sert de fil rouge à Antoine Aubry et Laura Kotelnikoff-Béart qui en profitent pour dresser un portrait de l’évolution des moyens de contrôle des foules, de la manière dont sont encadrées les violences policières et l’importance des mobilisations solidaires et des associations. En effet, sans un appui total de ses proches et du monde des supporters de football, jamais Florent n’aurait pu conduire jusqu’à son terme sa quête de justice. Les différents corps de police se serrent les coudes, les juges regardent ailleurs (il faudra quatre ans afin que l’enregistrement vidéo de la scène rendant caduque les rapports de la BAC soit pris en compte) et les médias ne sont pas patients.
David contre Goliath, match entre une équipe régionale et un cador de la Ligue 1, ce ne sont pas les images qui manquent. Plutôt que la métaphore, Aurel a préféré une approche classique et très respectueuse. Les états d’âme du héros involontaire s’avèrent particulièrement bien dépeints. Les interludes «techniques» qui introduisent les chapitres permettent de préciser quelques points importants ou plus généraux. Ce procédé permet d’alléger la narration et de toujours se focaliser sur l’individu et ses déboires, tant administratifs que psychologiques. Le but n’est pas de faire du joli ou de l’épique, mais de montrer les faits, ceux-ci sont suffisamment forts et parlants, malheureusement.
Constat impitoyable d’une situation intolérable aux origines complexes et diffuses, Casti – Quand l’état mutile est une lecture, certes teintée de militantisme, mais avant tout journalistiquement irréprochable et profondément humaine.
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