L
a Loire !
Plus qu’un fleuve, une histoire ! Des histoires devrait-on dire car sur à peine plus de mille kilomètres, elle ne peut être que multiple et changeante selon les nuages dans le ciel, l’heure du jour ou le mois de l’année, selon ceux qui la regardent ou aspirent à partir avec elle…
La Loire d’Étienne Davodeau n’est pas qu’une allégorie ligérienne mais, comme il sait si bien les faire, un récit de vies, celles des personnes qui au fil des boires, des tertres ou des promontoires entretiennent forcément un rapport étroit avec ces eaux qui rythment de leurs caprices la course des saisons.
Agathe n’est plus, mais elle subsiste dans la mémoire de ceux qui, un jour, ont croisé sa route et se sont arrêtés sur les berges d’un fleuve qui après avoir pris soin du chenin à Montlouis, le sublime à Savennières. Ce faisant, Étienne Davodeau en profite pour s’interroger sur la valeur des jours qui imperceptiblement s’enchaînent les uns aux autres et qui in fine obligent, un soir ensoleillé d’été ou bien un matin brumeux d’automne, à se questionner sur ce qu’il en a été fait. Mais, au-delà d’une temporalité propre à l’Homme, il fait aussi prendre conscience de la simplissime beauté des lieux et de ses multiples variations qui rendent chaque minute unique.
La Loire raconte l’histoire de ceux et celles qui, tributaires de ses sautes d’humeur, connaissent la relativité des acquis et savent avec fatalisme s’en accommoder, sans vraiment chercher à forcer le cours de choses que le fleuve finira toujours par rectifier de lui-même.
« Je voudrais penser à un fleuve » songe Louis en guise d’épilogue… mais de qui et de quoi peut bien se soucier La Loire ?
Quand l'environnement - c'est-à-dire la combinaison d'éléments naturels et socio-économiques qui constituent le cadre et les conditions de vie d'un individu, d'une population ou d'une communauté à différentes échelles - est au cœur de la BD...
Trait fin, lâché, sans fard... Cases horizontales, comme pour mieux contempler le paysage ou voir défiler le temps qui passe... On reconnaît ainsi la patte graphique d’Étienne Davodeau. On retrouve aussi dans son style des formes de poésie, de spiritualité, de grandeur d’âme...
La Loire - plus grand fleuve coulant entièrement sur le sol français et dont le bassin versant couvre 1/5ème du territoire - ne sert pas uniquement de fil rouge à cette BD, puisque c'est la relation des personnages avec leur environnement immédiat, la Loire, qui FAIT l’histoire. Certes, les personnages passent leur temps à ergoter sur la propriétaire des lieux, une certaine Agathe qui semble absente. Cependant il faut aussi savoir lire les images...
Etienne Davodeau nous fait ainsi ressentir, par les délires de ses personnages, le passé païen de la Loire. C'était en effet un milieu naturel craint et respecté, qui donnait lieu à des rites et qui fut aménagé dès l’Antiquité, au moins... Dès lors, les rives du fleuve furent transformées petit à petit pour la pêche, la navigation... pour le traverser aussi, ou encore pour prévenir ses terribles crues. Si le récit de cette BD prend la forme d’une fiction, on y apprend cependant beaucoup de choses sur cet environnement... Encore faut il prendre le temps de lire cette BD correctement, d'observer ses vignettes.
Sujet central de la BD, la Loire semble aussi se confondre avec le personnage d’Agathe, insaisissable : succession de mouilles et de seuils, de courants et de tourbillons, de plages de galets et de sables mouvants, la Loire forme comme un escalier d'eau et son lit dessine des tresses, à l'image de celle d'une femme, changeant chaque année. Allégorique.
Et c’est agréable, de lire un livre qui recentre notre attention sur l’essentiel, c'est-à-dire notre environnement. Parce qu’à l’heure de l’Anthropocène, l’empreinte de l'Homme est partout et bouleverse les milieux naturels. C’est le cas aussi pour la Loire, considérée à tort comme un espace « sauvage »... On pourrait se dire, Étienne Davodeau magnifie la « nature ». Oui, mais en réalité on trouve aussi dans cette BD un certain nombre de ponts, de barrages, de routes, de rails, d’usines, de voitures, de champs, de bateaux, une centrale nucléaire même... Qui bordent le cours du fleuve. La Loire demeure un milieu dit « naturel » - sous entendu avec des plantes, des rochers, des animaux parfois endémiques - seulement parce que des acteurs géographiques l'ont décidé ainsi, l'ont planifié...
En effet, l’Homme a maintenant un impact décisif sur la « nature » qui l’environne. Il peut décider d’aménager cet espace comme il l’entend, y compris pour protéger ces espaces de vie, de biodiversité (à l'image des sternes naines de la couverture et de la LPO).
Or, si Davodeau fait de la Loire un beau fleuve, c'est aussi un cours d’eau particulièrement pollué, en particulier vers l’aval (d’où notamment « un plan Loire grandeur nature » annoncé en 1994, visant à « concilier la sécurité des personnes, la protection de l’environnement et le développement économique », par Michel Barnier alors ministre de l’environnement, un personnage équivoque qui est toujours là où personne ne l’attend...).
Ainsi, sans verser dans le déterminisme, l’Homme dépend aussi de son milieu, de son environnement. Il en tire des ressources (ne serait-ce « que » de l'eau...) et doit s’adapter aux aléas de la Loire, comme la noyade par exemple, ses crues ou son absence périodique... Pourquoi pas à cause du réchauffement climatique d'ailleurs....
La BD de Davodeau a donc une réelle dimension environnementale et les discussions des personnages vont régulièrement dans ce sens : sur les avions par exemple – je suis toujours écœuré de voir des « écologistes » enchaîner les déplacements en avion - ou même Notre-Dame-Des-Landes - un conflit environnemental, soldé en 2018, à l'origine notamment de la hantise de la Macronie pour l’écologie et les Zones-A-Défendre...
Enfin, on sent une volonté de l’auteur de renouer avec la nature profonde de l’Homme, de sortir des carcans sociaux, notamment au début lorsqu’il met littéralement à nu son personnage. Ainsi, l’on n’est pas surpris lorsque qu’Étienne Davodeau lance ses personnages sur des sujets sociaux, résolument engagés - c'est encore l'une de ses marques de fabrique - comme l’euthanasie. On les voit aussi faire bonne chère, boire du vin, profiter des produits locaux et sans tuer les abeilles si possible... Tout ça dans la gaieté et la bonne humeur... sans la nécessité de grands discours ou autres narratifs sans fin sur l'environnement. Les images parlent d'elles mêmes, la proximité de la Loire suffit à nous rafraichir les idées...
Finalement, cette BD parle aussi de la vie, de la mort, de l’éternité...
Du tourbillon de la vie.
Etienne Davodeau est devenu au fil des années l'un des plus grands auteurs français en matière de bande dessinée. Chacune de ses œuvres est très attendue et décortiquée à souhait.
J'ai toujours eu un regard avec beaucoup de recul car les récits ne se valent pas toujours. Certes, on ressent beaucoup de profondeur grâce à une psychologie de mise dans les principaux protagonistes. Il y a une patte que l'on retrouve de titre en titre avec souvent les mêmes thèmes qui se répètent et qui font son indéniable succès commercial.
A vrai dire, je croyais lire au départ une BD documentaire sur l'un des principaux fleuves français à savoir La Loire. Cependant, je me suis un peu fourvoyé puisqu'il s'agit d'un roman graphique avec certes pour décor principal la Loire.
Il est vrai que certaines cases sont magnifiques à contempler et cela donne vraiment envie de passer du temps à côté de ce fleuve parfois capricieux. C'est à l'image de cette femme disparue à savoir Agathe qui a l'idée de réunir tous les êtres qui ont compté dans sa vie pour honorer sa mémoire.
L'auteur crée l'envie à travers une fille désormais adulte qui ne connaît pas l'identité de son père, sans doute présent dans cette petite assemblée de personnes qui sont venir se recueillir.
Cependant, ce n'était qu'un prétexte car le propos se situe ailleurs dans quelque chose finalement d'assez indéfinissable que profiter du temps présent et de la nature qui nous entoure. Ouais, toujours la même chose même si je reconnais que c'est toujours aussi bien réalisé.
Une belle histoire, tout en retenue, à la fois légère et profonde. Etienne Davodeau a su mêler hauteur de vue et mélancolie avec la poésie qu’on lui connait.
Ses images sont douces, ses mots sont forts.
Après avoir été sèchement refroidi par son « Droit du sol », je suis heureux de retrouver le Davodeau que j’apprécie, loin des controverses et du militantisme facile. En observateur affuté, il n’est jamais aussi bon que quand il surmonte son égotisme et s’efface au profit des personnages touchants qu’il arrive toujours à sortir de son chapeau.
Cette balade en Loire fut un délicat plaisir de lecture. Je m’y rebaignerai avec joie.
Cette BD m'a bouleversé.
La poésie de ses regards, la force de ses dessins, la nostalgie de son histoire se ressentent au de-là de la vision. Dans ses planches, on y ressent tous les bruits, les odeurs, les goûts et même les touchers de ce fleuve.
Une ode à la contemplation !
Le prétexte est curieux mais l'ensemble envoute. Fascinant objet graphique, on se perd avec nostalgie dans les méandres de cette histoire-fleuve. Jeu de mot compris :)
Magnifique album, empreint d'une grande tendresse, à la fois pour les personnages, et bien sûr ce fleuve majestueusement offert à notre œil gourmand. Étienne Davodeau nous fait partager son amour des choses simples et a choisi une palette chaude quoique sobre pour ce récit malicieux. À contempler et parcourir plusieurs fois sans se lasser pour échapper au bruit et à la fureur…
Très belle édition soignée de Futuropolis.
On sent bien à travers cet album tout l'amour que porte Etienne Davodeau à l'égard de son terroir angevin. Les paysages, la Nature, l'activité rurale, les gens du cru ... tout est dépeint avec beaucoup de tendresse, notamment grâce à un dessin très élégant. Dommage que l'histoire pour rendre cet hommage soit peu passionnante.