« Montrer mes faiblesses au grand jour… dissimule toute ma force. »
Le roi vieillit. Sous son règne bienveillant s’est établie la paix. Plusieurs souhaitent toutefois prendre sa place. Son fils, qualifié de faible, l’aime profondément et n’est pas pressé d’accéder aux plus hautes fonctions de l’État. Sa mère l’incite néanmoins au régicide, c’est d’ailleurs une tradition familiale. L’arrivée de la délégation des royaumes du Nord précipite les événements.
Il y a du Shakespeare dans cette histoire faite d’alliances, de complots, de trahisons et de loyauté chancelante. Les protagonistes se manifestent du reste rarement où le lecteur croit qu’ils se trouvent et il est impossible de savoir qui tire vraiment les ficelles. L’intrigue est bien construite, chaque scène apparaît significative et la conclusion du premier tome est saisissante.
Le plaisir de la lecture ne serait pas tout à fait le même sans les dialogues d’Hérik Hanna. L’auteur adopte un niveau de langage agréablement soutenu, voire un peu empesé, sans pour cela s’avérer lourd. La prose du cerf ménestrel se veut particulièrement savoureuse, notamment lorsqu’il est surpris au lit avec deux jeunes guépards.
La saga repose sur une vaste galerie de personnages généralement intéressants, quoique stéréotypés. Parmi eux, un zèbre peureux, un porc goinfre et une lionne cruelle. Le récit présente par ailleurs de très nombreuses autres figures, si nombreuses qu’il est par moments difficile de s’y retrouver.
Le dessin de Redec, assisté de Lou aux couleurs, semble en décalage avec la tonalité de la narration. Il y a un petit quelque chose de Disney dans les comédiens qui rappellent ceux du Roi lion. Le jeu de ces derniers se montre à la limite de la caricature, alors que le registre se veut dramatique.
La comparaison avec Les 5 Terres de Lewelyn et Jérôme Lereculey est inévitable. Les deux séries ont en commun un monarque vieillissant, une course à la succession, une rivalité entre les espèces et, surtout, des acteurs anthropomorphes. Le parallèle est cependant ingrat, Le royaume sans nom n’est pas une simple variation sur le thème pas davantage qu'une copie, même si les enjeux abordés se révèlent forcément les mêmes.
Le mystère de la poule et de l'œuf. Depuis la parution du premier tome des 5 terres en 2019 toute BD anthropomorphique est lus en comparatif à cette grande saga. A sa sortie les 5 Terres furent comparées à Game of Thrones... qui fut comparé aux Rois maudits. Bref, a chaque création marquante il devient difficile d'admettre que ce n'est pas le package qui définit le projet mais bien son traitement. En cela Erik Hanna est soit courageux, soit suicidaire, soit opportuniste en proposant ce triptyque où l'on retrouve son talent littéraire indéniable qui faisait de sa série Détectives un excellent récit d'enquêtes dialoguée.
C'est immédiatement ce qui marque dans ce premier tome: l'esprit théâtral, shakespearien, emphatique des échanges entre personnages. L'ouverture prend la forme d'un long monologue introductif qui marque le tempo en créant un conflit entre le prince et sa mère. Bien malin ensuite qui pourra anticiper le rôle de chacun. Immédiatement les auteurs développent la galerie de personnages, entre le pouvoir, les malandrins de la basse ville, l'escouade diplomatique. Beaucoup plus léger (par le texte assez brillant), moins politique que les 5 Terres, Le royaume sans nom n'a pas à rougir devant son illustre grand-frère dont il se détache avec ses propres qualités. Graphiquement d'abord avec la superbe mise en couleur de Lou et les dessins très disneyens de Redec qui reste en famille puisque pour sa troisième série il continue à collaborer avec celui qui l'a lancé. Disney est ainsi
la référence qui revient évidemment, tant on sent dans l'esprit, les dessins utilisant largement les trognes tragi-comiques des personnages et la mécanique des séquences, l'envie de retrouver ce qui a fait la force de tant de magnifiques films d'animation de l'âge d'or. Attention, Le royaume sans nom est bien une BD adulte pleine de sang, de violence, d'intrigues tortueuses (et un peu de cul). Mais l'impression de lire un Anime comic est permanente, ne serait-ce que par la finesse des décors (probablement réalisés en structure 3D) ou l'apparition régulière de pleines doubles-pages pour des séquences clé choc.
Si la mécanique scénaristique de Lewelyn sur les 5 Terres a été fort logiquement louée, celle de cet acte I n'a rien à lui envier. La lecture se fait fluide, la découverte des personnages progressive, le scénariste posant un contexte de départ dans lequel la belle galerie de personnages va interagir de façon croisée en un très ludique jeu de piste. Situé entre un Disney, l’Ogre lion et les 5 Terres, ce Royaume sans nom va rapidement en acquérir un dans la bibliothèque des lecteurs tant il est la très bonne surprise de cette rentrée BD. On frôle les 5 Calvin pour l'originalité relative mais on n'en est vraiment pas loin.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/11/20/le-royaume-sans-nom-acte-i/
Les 5 terres, mais en moins bien.
Pourtant le scenario est bon, la lecture fluide, un polar se developpe sur fond de passation de pouvoir, certains personnages sont interessants - comme le heros en apparence trop gentil mais on imagine qu'il est en realite bien plus perfide - mais il n'a pas la richesse du monde imagine dans les 5 terres ni le foisonnement des conversations et tractations diplomatiques.
Le dessin est bon aussi d'ailleurs, avec d'agreable doubles pages, mais encore une fois le probleme de cette BD est a mon avis qu'elle ressemble trop aux 5 T sans parvenir a s'en demarquer pour l'instant.
RELECTURE : Je monte ma note, l'écriture d'Hanna est trop forte pour que ce soit en bas de trois étoiles. Et honnêtement, le scénario est quand même fichtrement bien mené.
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[Critique originale modifiée.]
Les 5 Terres, sortez de ce corps!
Je suis toujours attiré par les séries aux animaux anthropomorphes. Mais il faut que le scénario suive. Heureusement, les textes sont plutôt bons. Hanna sait écrire. (En excluant l'usage excessif de points de suspension. Je n'ai... jamais vu... autant de points... de suspension... dans une BD... auparavant... Il ne faut pas... exagérer... quand même!...)
La fin de l'album est prévisible, ou plutôt peu surprenante. Et malgré un scénario d'une qualité incontestable, le tout est un peu trop simple pour l'instant. Pourtant, on prend plaisir à suivre ces tractations politiques avec ses personnages intelligents. On espère que le récit atteindra un niveau qui va nous surprendre, ce qu'il réussira surtout à faire à partir du deuxième tome.
Il y a un autocollant sur la couverture de l'album qui dit : "Violent, tragique... un Shakespeare bestial." Violent?? D'accord, il y a quelques scènes violentes, mais c'est somme toute assez léger! On a vu bien pire dans nombre de BD qui ne se targuent pas d'être violentes pour autant. Au contraire, ça manque cruellement de panache. Bestial? Bon, alors, oui, ce sont des animaux. Mais sinon? Où est le cru, le viscéral, l'inconfortable? Surtout quand on considère que le trio qui forme Lewelyn souffle tout sur son passage ces temps-ci et propose des scénarios d'une qualité indéniable, nonobstant leur propagande idéologique.
Je n'aime pas les dessins non plus. C'est du dessin fait à l'ordinateur? C'est tellement léché, lisse, propret, et ça manque de détails. Cet album renferme quatre (!) doubles pages, et aucune ne m'a impressionné! Les couleurs ne sont pas particulièrement belles. Sans compter les erreurs (?). Exemple, un personnage a du sang sur la figure. On tourne la page, oups le sang a disparu. On tourne encore la page, voilà le sang est revenu! Les scènes d'action sont statiques, avec des arrière-plans monochromes, ça manque de mouvement.
Malgré tout, le scénario d'Hanna démarre sur une bonne note, et on ne peut être qu'intrigué par où l'histoire va nous mener. Et la suite n'en sera que meilleure (voir ma critique du deuxième tome).
L'histoire est parfaitement maîtrisée et rehaussée par les dialogues "shakespeariens".
Les dessins sont superbes avec des trognes expressives, des décors finement représentés et des couleurs exceptionnelles. Les quelques plans larges, qui occupent les 2 pages, sont remarquables et participent au plaisir de la lecture.
Bref, une nouvelle série que je recommande vivement !
Evidemment, on ne peut éviter la comparaison avec Les 5 Terres (5T). Le scénario du Royaume Sans Nom (RSN) est un peu moins bon mais je préfère ses dessins. Enfin, pour les 5T, j'ai été bluffé par le 1er cycle (félins) mais le suis beaucoup moins par le 2ème (primates), ce qui m'inquiète donc pour les 3 autres cycles à venir. Pour le RSN, je n'ai pas d'inquiétude car la série se limitera à 3 tomes.