Édith, la trentaine, mène une vie indépendante à Paris. Elle est bien entourée d’ami.e.s et n’a pas encore trouvé le grand amour. Ça l’angoisse un peu, mais sans plus, car son travail l’accapare suffisamment. La grande nouvelle, c’est que ses parents vont se marier et que sa mère l’a choisie comme témoin ! Ex-hippies ayant effectué un genre de retour à la terre dans les années soixante-dix, ces derniers avaient évité jusqu’à présent de passer par la case mariage. Les temps et les gens changent. C’est également l’occasion pour une grande réunion amicale. Cette festivité somme toute innocente va cependant réveiller des souvenirs et faire ressurgir une série de traumatismes plus ou moins inconscients chez la jeune femme. Des secrets de famille et des histoires honteuses, il y en a partout, pas seulement au cinéma.
Ma famille imaginaire débute comme n’importe quel récit autobiographique, dessiné ou pas. En partance vers la terre de son enfance, l’héroïne se remémore d’où elle vient. Un cadre idyllique et isolé, l’insouciance des premières années, les jeux avec sa sœur et ses cousins, sa grand-mère adorée partie trop tôt, etc. Une gêne discrète et prégnante, aussi. Après une cérémonie réussie, elle remonte à la Capitale pour reprendre ses activités habituelles. Un cauchemar plus tard et tout bascule. Un processus psychologique implacable et irréversible se met en branle. Le doute s’installe et des questions se mettent à fuser. Pourquoi sa mère refuse-t-elle d’y répondre ? Et cette cicatrice datant d'une appendicite de ses quatre ans, pourquoi son carnet de santé ne la mentionne pas ? Qu’est-ce que toute sa famille semble savoir et qu’elle ignore ? Désarçonnée et terrifiée, Édith décide néanmoins d’insister en menant sa petite enquête.
Sans se transformer en un véritable thriller, la série de révélations qui s’ensuit ne déparerait pas au sommaire de quelque polar noir scandinave, la véracité en plus.
Pourtant, la narration de quitte jamais le mode de la confession intime. Édith Chambon ne cache rien, se met littéralement à nu, autant au sens propre que figuré. Détail appréciable, malgré la gravité de certains passages, le ton reste globalement bon enfant et évite le pathos (mais pas les larmes). Mieux encore, entre la profondeur d’analyse d’une Alison Bechdel et une inventivité graphique façon Brecht Evens, l’autrice réussit à trouver et imposer son style. Résultat, la mise en page énergique osant la déconstruction, les couleurs pas moins toniques et la liberté dans l’écriture rendent la lecture prenante, touchante et passionnante.
Classique et explosif en même temps, Ma famille imaginaire est une excellente surprise révélant le talent, la sincérité et la sensibilité d’une bédéaste à suivre désormais.
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