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Plein ciel

22/09/2023 3278 visiteurs 7.0/10 (1 note)

]Ce jour n'est pas tout à fait comme les autres pour Emile Fernandez. Il arrose sa plante, nourrit son chat, dépose une enveloppe sur la table avant de prendre son escabeau. Il le dépose devant sa fenêtre, qu'il ouvre. Puis, c'est le grand saut, depuis le dix-septième étage de son immeuble : la tour "Plein Ciel".

Cet édifice fait partie d'un quartier sorti de terre dans les années soixante pour faire face à l'exode rural. Il fallait repenser la ville. Ces nouveaux complexes, influencés par Le Corbusier inauguraient une nouvelle façon de penser la ville.

Lorsqu'un veuf de septante-huit ans se suicide dans une tour, il est tentant d'imaginer un drame de la solitude. Un homme seul, perdu dans un océan de béton, n'a guère d'autre issues. La suite ne serait donc qu'une charge contre la déshumanisation de la vie moderne ? Assisterons-nous à un jeu de massacre au cours duquel d'affreux petits mensonges émergeront, faisant craquer le vernis de respectabilité des petites gens qui peuplent ces logements modestes ?

Ce serait tellement facile. Ce n'est pas du tout la direction choisie par Pierre-Roland Saint-Dizier. Cette tragédie ne sert que de porte d'entrée à un récit choral qui fait la part belle à l'humanité. S'inspirant de sa propre enfance dans une barre similaire, le scénariste raconte le microcosme d'un village vertical, avec ses personnages pittoresques, ses liens parfois inattendus, sa solidarité et son esprit presque "clochemerlesque", considérant les nouveaux-venus avec la méfiance réservée à ceux qui ne sont pas d'ici, non pas au sens ethnique ou religieux, mais bien d'un mode de vie populaire.

Cette histoire sera donc lumineuse, portée par un dessin souple et expressif, parfaitement mis en valeur par un bel usage de la couleur directe. Michaël Crosa anime une galerie de personnages plus vrais que nature, inspirés d'hommes et de femmes qui arpentaient les couloirs de la résidence de son scénariste. Il en va de même pour les décors très soignés, avec un soin particulier apporté aux détails qui personnalisent les intérieurs de Samir ou Martine. Puis, il y a ces doubles pages qui aèrent le récit, comme autant d'interludes. Dans un gaufrier classique, chaque case devient une fenêtre sur les intérieurs des résidents. Nous pénétrons chez eux, surpris dans leur vie quotidienne. Il y a du Will Eisner dans ces planches, avec cette faculté de capturer la banalité de l'instant présent dans toute sa beauté et sa simplicité. L'intrigue n'est finalement qu'un prétexte. Ce qui anime ces pages, c'est avant tout cette observation d'un microcosme qui a rarement droit à un intérêt aussi chaleureux.

Par T. Cauvin
Moyenne des chroniqueurs
7.0

Informations sur l'album

Plein ciel

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 31/03/2024 à 08:01:31

    Cette BD joliment dessinée commence par un événement assez tragique à savoir un vieil homme veuf qui met fin à ses jours en sautant du 17ème étage de son immeuble. Son dernier geste : remplir la gamelle du chat afin qu'il ne manque de rien. Il a également laissé des instructions pour confier par exemple une plante verte à l'une de ses voisines.

    Bref, cela fait tout de suite très mal au cœur même si par la suite, cela aura tendance à aller vers de la BD feel-good.

    Le décor est celui d'une grande tour HLM qui s'inspire du quartier des Coteaux dans la ville alsacienne de Mulhouse où l'auteur a passé son enfance. Il y avait de grands ensemble d'immeubles qui regroupaient 15.000 habitants. Dans une tour, il y avait 400 habitants ce qui représentent presque un village où tout le monde se connaît en se rencontrant chaque jour.

    A noter également une dimension interculturelle du quartier où se regroupaient plusieurs nationalités dans une expérience de vivre ensemble de la France des années 90. On peut se dire que les temps ont bien changé.

    Certes, cela ne fera pas rêver les gens qui aiment la campagne ou les maisons des beaux quartiers résidentiels mais il y a beaucoup de solidarité dans ces immeubles. Aujourd'hui, ils sont tous voués à disparaître sous un dynamitage obligatoire. Il est vrai que cela entraîne beaucoup de nostalgie pour des habitants qui y ont vécu toute leur vie avec de multiples anecdotes à raconter.

    Plein ciel est une très jolie chronique qui met en valeur les vies de ces habitants de quartier, de grands immeubles qui ont appris à vivre ensemble dans la joie et la bonne humeur. Certes, il y a parfois des drames humains mais c'est constitutif de la vie en général. Je dirai au final que cette œuvre constitue un vrai remède à la morosité ambiante actuelle.

    philjimmy Le 30/01/2024 à 10:10:00

    Je ne cours pas les dédicaces, et surtout, je ne supporte pas d'attendre des heures pour en obtenir une. A Angoulême, je passe beaucoup de temps au pavillon du nouveau monde, celui des ''petits'' éditeurs. C'est souvent plus simple. Au pavillon du monde des bulles, celui des ''gros'' éditeurs, on se croirait à la gare du Nord un jour de grève.

    Mais je discute avec un pote qui me dit : fais le tour des gros éditeurs et va voir les bouquins des dessinateurs qui ont peu de monde en dédicace. Si les éditeurs les mettent en avant, il doit bien y avoir une raison.
    Aussitôt dit,aussitôt fait. Et en passant devant le stand des éditions Ankama, sur les quelques dessinateurs présents, tous blindés de monde, il y a Michael Crosa, tout seul, sans personne en dédicace. Voila l'occasion de tester ma nouvelle méthode. Il faut d'abord que le mix scénario/ graphisme ne soit pas repoussant. C'est le cas. L'histoire et le dessin semblent sympas. Et Michael est adorable, souriant et disponible. Il me fait une très jolie dédicace à l'aquarelle.

    Rentré à la maison, je lis le bouquin. Bonne pioche !!! Voila une bd qui fait du bien. Ce n'est pourtant pas très gai, un vieux bonhomme qui se jette par la fenêtre du dix septième étage. Mais ce n'est que le point de départ qui nous fera vivre la vie de la communauté solidaire d'un immeuble de quartier. Et c'est rafraichissant, touchant et paisible. Le dessin très précis , tant sur les décors que sur les personnages, en aquarelle aux teintes pastels pas fades, est idéal sur cette belle histoire de Pierre-Roland Saint-Dizier. Un excellent moment de lecture.

    J'ai oublié : je suis repassé devant le stand Ankama un peu plus tard. Il y avait cinq personnes qui attendaient une dédicace de Michael Crosa. Il y a quand même une justice.