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yant préféré les beaux yeux de Nina aux élucubrations de Lavrine, Slava est resté à la mine et tente de faire bonne figure auprès du père de sa dulcinée et des travailleurs du lieu. L’illusion ne dure évidemment qu’un instant et il pense désormais reprendre les pinceaux, autant pour plaire à son amoureuse que pour son équilibre personnel. De son côté, son comparse se sort une fois de plus miraculeusement d’un énième guêpier. Même s’il est maintenant diminué physiquement, le gaillard a de la ressource et, ses plaies à peine cicatrisées, il imagine déjà un plan téméraire afin de profiter des restructurations de l’appareil productif russe. Les occasions et les pigeons, ce ne sont pas ça qui manque au pays de Boris Elstine.
Les nouveaux Russes reprend le récit là où Après la chute l’avait laissé. Toujours en mode picaresque ou Pieds Nickelés, Pierre-Henry Gomont continue sa balade hallucinée dans les ruines de feu l’empire soviétique. Combines économiques alimentées par la libéralisation des marchés et l’incurie politique (le tout avec la bénédiction tacite de l’Occident) servent de terrain de jeu aux futurs oligarques, ainsi qu’aux différentes mafias toujours promptes à exiger leur dîme au passage. Au milieu de ces bouleversements de la taille d’un continent, des petits malins tentent de ramasser les miettes. Lavrine a tout compris et fonce, Slava suit le ressac comme il peut, tandis que quelques rares braves (Nina et son père) font de leur mieux pour maintenir un semblant de cohérence à une communauté (et une nation) sans repère.
L’opposition entre drame social en devenir et farce truculente ajoute ce qu’il faut de décalage et de recul pour rendre cette fable particulièrement jouissive à parcourir. Malheureusement, ce deuxième tome (sur trois) n’apporte que peu de nouveauté à la série. Lavrine joue les chefs d’orchestre, les usines se font acheter/démanteler/revendre et les millions changent de mains. Slava, le Candide de service, ne sait plus à quel saint se vouer et retourne par dépit à ses premières amours. Quant au peuple, il est à peine mentionné et se retrouve irrémédiablement Gros-Jean comme devant.
En résumé, la partition s’avère bien écrite et admirablement mise en scène. Cependant, elle a davantage tendance à tourner en rond qu'à se développer ou à surprendre réellement. Reste à espérer que la conclusion à venir offrira des rebondissements audacieux et un final véritablement explosif.
Dans la droite lignée du premier opus. Jamais l'auteur ne se repose sur ses lauriers .A lire absolument!
Ce deuxième tome de Slava reste globalement dans la même dynamique que le premier...
Il a les mêmes atouts : des décors remarquables (architecture...), avec des couleurs intenses (contrastes de bleu et de rouge) se mariant parfaitement avec l'encrage noir ; un univers fouillé, qui permet de toucher du doigt l'histoire de la nouvelle Russie ; un découpage moderne, qui n'est pas sans rappeler le travail de Rémi Farnos ou de Blain, pour ne citer qu'eux, avec une variation maîtrisée des cases (en particulier pl. 39) ; et enfin des moments forts dans la narration.
Mais Slava 2 souffre des mêmes défauts que son grand frère : le mélange des genres entraîne quelques lourdeurs ; c'est d'ailleurs très verbeux, avec une narration parfois pesante, qui perturbe la suspension d'incrédulité ; certaines expressions de visages se répètent et manquent de réussite (visages de Nina qui parle la bouche à peine ouverte pl. 64).
Pour moi, la grande nouveauté de ce deuxième album, c'est la place prépondérante prise par un personnage un peu second, mais plein de relief. A tel point qu'on peut se demander qui est le héros de cette histoire ? S'il y en a un...
Je dois avouer que l'histoire d'amour de Slava et de sa copine m'a semblé un peu terne, comparée à la passion capitaliste dévorante qui en anime d'autres. D'ailleurs, Nina est souvent cantonnée à un rôle de concubine et ses prises d'initiative sont un peu téléguidées. Pas facile de trouver sa place dans ce monde de brutes.
Mais, si Slava est l'un des protagonistes de cette histoire, qu'il fait figure de narrateur dans un jeu complexe de mise en abîme, son nom lui permet aussi d'incarner la nation russe. Car, ce sont bien les Russes qui sont au cœur du propos, qu'ils soient héros ou contre-héros.
Ainsi, quoique je me sois un chouia ennuyé, les particularités de cette série me donnent envie de voir la suite...
Mais j'ai peur que ça finisse en une Lavrine...
Les nouveaux russes sont ceux qui sont sortis du communisme pour s'enrichir très rapidement sur le dos des autres. C'est tout le thème de cette BD au ton volontairement humoristique.
On suit les aventures cette fois ci de manière séparée du jeune Slava qui souhaite devenir peintre mais qui défend une mine en proie à des carnassiers de la pire espèce. Il tombe désespérément amoureux ce que montre d'ailleurs la magnifique couverture de ce second tome.
Et puis, il y a son ami Lavrine qu'on croyait mort mais qui va renaître de ses cendres pour évoluer à Moscou sur la pente du succès poussé par une ambition extrême de gagner plus d'argent.
A noter qu'il va se servir d'une monnaie le voucher distribué par le gouvernement pour racheter l'outil de production. Or, les russes s'en méfie comme de la monnaie de singe en les rejetant ce qui est un très mauvais calcul. Lavrine a compris que c'est bien le moment d'acquérir à peu de frais des empires entiers surtout en temps de crise. On commence par acheter une petite usine à vil prix qu'on peut désosser pour en vendre le maximum d'actifs.
Bref, le capitalisme dans ce qu'il y a de plus sauvage dans un pays miné par tant d'année de communisme. Et que dire également de ces riches qui échappent totalement à l'impôt ? Bref, c'est décourageant.
Survient à un moment donné la rencontre entre nos deux protagonistes qui n'ont plus évoluer sur le même bateau ce qui donne lieu à une confrontation donnant un caractère un peu plus dramatique à cette œuvre.
Gomont écrit un roman russe sombre où les personnages ne peuvent se transcender, et restent prisonniers de leurs pulsions (orgueil, hubris, jalousie, ... ). Si l'on gratte la surface des motivations de ses personnages, il ne reste pas grand-chose des sentiments parfois élevés en apparence : la solidarité entre les ouvriers de l'usine est éphémère, l'idéalisme d'une jeune femme est très éloigné de la réalité, ... .
Gomont rend tout cela digeste en racontant son histoire avec panache, mouvement et humour.
A la fin de la lecture, on pense avoir compris quelque chose à la Russie et à la façon dont les prédateurs s'y sont installés.
Contrairement au critique de BDgest, qui se limitent à une lecture au premier degré, j'espère que le troisième volume confirmera la qualité littéraire de cette œuvre.
L’entame de ce deuxième tome m’a surpris, tant il m’a semblé différent du premier ; non pas par l’histoire qui est la suite directe de « Après la chute », mais par une tonalité générale un peu plus grave, un rythme légèrement moins trépidant et un personnage de Slava dont la présence s’efface au profit de Lavrine, même si sa voix de narrateur se fait davantage entendre.
Puis, le contexte de ce deuxième épisode enfin posé, la trame retrouve peu à peu le dynamisme et les excentriques aventures humano-magouillo-financières qui font tout le sel de la lecture. Avec « les nouveaux russes » Pierre-Henry Gomont réitère l’exploit de nous captiver avec le background pourtant austère de la chute de l’Union Soviétique. Grâce à des personnages solides et truculents, une qualité d’écriture hors norme, une incroyable vivacité du trait.
Il en ressort une ambiance, une énergie et une intelligence que je n’avais encore jamais expérimentées à ce point dans une bande dessinée. L’auteur évoque à un moment « Les âmes mortes » de Gogol, prodigieux bouquin dont je garde encore un souvenir intact après des décennies. Eh bien, son « Slava » me fait un peu le même effet. C’est d’ores et déjà à mes yeux une série exceptionnelle que je prendrai un immense plaisir à relire en attendant la suite.