« Ô maître Adrix, votre phallus est tel un glaive dans l’espace. Transperçant la Voie lactée. »
Anne tient mordicus à tourner Adrix, un film de science-fiction aux accents pornographiques. Le script apparaît médiocre, la planification bancale et les acteurs sans expérience. Élise, la compagne de Fred, le comédien principal, voit l’aventure d’un mauvais œil et lance un ultimatum à son époux : s’il participe à la scène finale avec la sorcière bleue, ce pourrait être la fin du couple. Pourquoi diable la productrice souhaite-t-elle réaliser ce navet destiné à une diffusion confidentielle ?
Auteur complet, Antoine Bréda propose d’abord une réflexion sur la vanité de la création, vue à travers la concrétisation d’un synopsis risible porté par la volonté d’une protagoniste un chouïa despote et mégalomane. En toile de fond, se lit une intéressante variation sur le triangle amoureux. Petit à petit, la mémoire s’impose comme le véritable propos. Le projet se veut une façon de conjurer l’oubli. Ce glissement est bien amené, il éclaire la complexité des motivations, mettant ainsi en lumière la profonde humanité de ceux qui étaient au premier abord antipathiques. La densité des personnages est habilement traduite et le scénario des Boules se révèle beaucoup plus solide que celui d’Adrix.
La proposition est portée par un agréable trait charbonneux mêlé à des teintes posées en aplat. Les illustrations sont exécutées avec une économie de moyens : une ou deux couleurs par case, rareté des décors et comédiens essentiellement présentés sous la forme d’esquisses. Un peu comme si, à l’image du film, l’album était lui aussi produit avec des ressources limitées. Les vignettes aux bordures hésitantes renvoient également à la production cinématographique dont les contours demeurent incertains.
Une lecture plaisante, mais rapide, malgré les quatre-vingt-seize planches. Une bande dessinée susceptible de plaire aux amateurs des comédies dramatiques de Woody Allen.
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