L
assé des hommes et du monde, encore marqué par l’échec de son expérience d’éleveur, se sentant étouffer par le rythme infernal imposé par la société, Édouard Cortès décide de tout plaquer pour s’isoler. Soutenu par son épouse, ses rejetons et quelques amis, il construit une cabane dans un grand chêne, au cœur de la forêt. Puis, il s’y installe, prévoyant de vivre en autarcie complète. Trois mois vont passer, en suspension dans l’arbre. Une saison mise à profit pour méditer, se reconnecter à l’essence du vivant, renaître, respirer.
Témoigner d’un vécu singulier revient à inviter l’autre dans son intimité, le laisser scruter forces et faiblesses de la mise à nu. C’est aussi faire rejaillir sur le lecteur-voyeur l’enrichissement personnel qui en a été tiré. Cela, Édouard Cortès, écrivain-voyageur, l’a bien compris et n’en est pas à son coup d’essai pour livrer ses expériences d’infatigable explorateur. Livre paru en 2020 chez Équateurs, Par la force des arbres se fait une place dans le catalogue des éditions Rue de Sèvres grâce à la collaboration entre l’auteur et Dominique Mermoux (Entre les lignes, Mille et une vies des urgences), qui l’adaptent en bande dessinée.
Avant même que le récit ne débute, la plongée dans la bulle verte de la forêt se fait par trois belles planches muettes qui posent le décor et donnent à apprécier tout le talent de Dominique Mermoux. Parfaitement maîtrisée, cette partition graphique soignée met magnifiquement en valeur le propos et mérite à elle seule de s’attarder sur les pages pour en apprécier la beauté et la minutie naturaliste. La vue d’un écureuil bondissant, du pic épeiche, d’une biche timide, d’une salamandre ou de bourgeons d’où pointent de délicates feuilles froissées réjouit l’œil. Ce plaisir est également nourri par des couleurs à l’aquarelle, joliment travaillées, et par la construction dynamique de la mise en images.
Quant au propos, s’il retranscrit la pensée d’un seul individu et rapporte sa vision des choses, il n’en reste pas moins pertinent et éloquent. Édouard Cortès y livre ses réflexions sur son expérience d’éleveur, sur certaines incongruités de la politique agricole européenne, sur l’exploitation des ressources environnementales, sur l’archi-connexion voulue par la société actuelle. À ce propos parfois un peu rébarbatif s’ajoutent des passages tirés de son enfance – comment il a appris à reconnaître les truffes – et, surtout, son quotidien lors de ce printemps forestier. Observation du formicage, tentative de faire un thé à base de glands, relevé de traces du passage de sangliers, premier gros orage, cohabitation entre espèces végétales et animales : la lecture s’avère instructive, autant qu’elle a pu être contemplative et source d’émerveillement pour l’auteur.
Récit d’une introspection ressourçante, Par la force des arbres invite à une parenthèse rare, celle de prendre le temps, d’aller au contact de la nature et d’en sortir revigoré, ou au moins (ré)enchanté. À découvrir.
Un homme qui vient de perdre son exploitation agricole dans l'élevage des brebis se met en retrait du monde et trouve tout le soutien nécessaire en vivant dans une cabane en bois.
Nous sommes dans une époque où l'on peut tout faire valser pour réaliser nos propres rêves. Alors, pourquoi pas la vie au sommet des arbres dans une forêt protectrice.
Il laissera la gestion de ses trois enfants à son épouse assez compréhensive par rapport à ce projet. D'autres hommes auraient par exemple réaliser une retraite dans un vieux monastère. Là, le lien ne sera pas définitivement coupé.
Il s'agit pour l'auteur Edouard Cortès de recréer du lien avec la nature mais en milieu forestier. Du coup, il interagira avec cet environnement peuplé non seulement d'arbres, mais d'animaux et d'insectes.
Visiblement, c'est une telle expérience qui lui permettra de venir à bout d'une grave dépression pouvant l’entraîner vers la mort qu'engendre le désespoir de vivre. C'est mieux qu'un antidépresseur. Bref, il ne faut pas négliger la force des arbres qui fournissent d'ailleurs de l'oxygène pour respirer un peu.
Personnellement, je n 'arriverai jamais à vivre au milieu des araignées et autres insectes qu'il faut pourtant respecter dans un équilibre de vie sur la planète. Du coup, j'admire réellement le courage de cet homme qui souhaite simplement se reconstruire.
Je partage également ses réflexions assez intéressantes notamment sur la posture optimiste que beaucoup de monde apprécie actuellement. Le fait de ne pas être dans ce trip entraîne une sorte de mise à l'index c'est à dire l'exclusion en plus de l'incompréhension. C'est comme une sorte de déni qui ne fait pas du tout du bien. Je peux comprendre ce qu'a dû traverser l'auteur qui a perdu la plupart de ses amis et de son entourage dans une volonté de faire un tri efficace.
Ces donneurs de leçons nous apprennent que la pensée positive est la clé pour contrer les problèmes de santé mentale que peuvent engendrer la vie de notre temps. Les personnes souffrantes sont réduites au silence et n’osent plus se confier ou encore aller chercher l’aide nécessaire à leur détresse parce qu’elles pensent qu’elles doivent faire leur bonheur elles-mêmes. Bref, souffrir dans son coin pour ne pas contaminer le reste de la société.
On se rendra compte au fil des pages que notre auteur a été victime de l'administration qui demande à un paysan de maîtriser la paperasse afin de toucher des aides. La moindre case mal cochée peut entraîner la fermeture de l'exploitation. La colère paysanne de ces derniers temps peut s'entendre.
Au final, une œuvre assez intéressante qui constitue un témoignage d'une expérience un peu unique.