À quatorze ans, Lateef a fui l’Afghanistan des talibans, en espérant trouver refuge à Londres. Après deux ans d’errance à travers l’Asie et l’Europe, il a atterri au parc de Pali-Kao, à Paris. C’est là qu’il a rencontré Pascale Cohen, une bénévole de l’association « Les Midis du Mie ». Elle et son mari l’ont pris sous leur aile. Pour le jeune homme, cette aide providentielle est vertigineuse. Combien de chemin parcouru et d’obstacles franchis ! Cependant, cet abri reste précaire et suspendu aux chausse-trappes de l’engrenage administratif qui peut lui octroyer – ou pas – le statut de mineur isolé étranger.
Nouvelle venue dans le paysage de la BD, mais déjà romancière (Tout Ella), réalisatrice et accessoiriste pour le cinéma, Sara Émilie Simone collabore avec Rachel Lev (Journal intime d’une névrosée et Mon vagin, mon gynéco et moi pour raconter une histoire vraie, celle d’un adolescent afghan recueilli par un couple de Juifs parisiens.
Divisé en trois parties de longueur inégale – « L’odyssée », « L’asile » et « L’avenir », le récit débute dans le vingtième arrondissement, avant de prendre la forme d’un long flash-black. Les étapes cruciales du périple enduré pour aboutir à ce point se succèdent. Depuis le désert du Balouchistan au Pakistan jusqu’à la Porte d’Aubervilliers, en passant par des camps de transit illégaux, les traversées périlleuses des frontières terrestres et fluviales, les dangers sont nombreux, les passeurs abusifs, les secours trop rares et la peur omniprésente. Tout cela est bien restitué par la scénariste. L’espoir renaissant grâce à la rencontre avec les Cohen est pleinement perceptible, de même que le gouffre entre la situation antérieure du garçon et le retour à une vie normale faite d’abondance et de liberté retrouvée. En parallèle, les pages concernant les aléas de la demande d’asile pour mineur étranger isolé en disent long sur les incertitudes et le stress engendrés par les tracasseries bureaucratiques et l’arbitraire des décisions. Le soutien et la résilience apparaissent alors essentiels pour ne pas baisser les bras. Enfin, l’autrice montre qu’une fois la sécurité et la stabilité personnelle assurées, le jeune migrant porte encore en lui d’autres angoisses : celles qui impliquent le devenir des siens restés dans un pays où leurs vies restent sujettes au danger.
L’aspect graphique assuré par Rachel Lev soutient adéquatement le propos. Semi-réaliste, le trait s’avère expressif et anime efficacement les protagonistes. Les planches proposent une grande variété de cadrages et de plans, ce qui assure une excellente dynamique d’ensemble. Des vignettes classiques, en hauteur ou longueur et sans bord y alternent avec des pleines pages aux compositions plutôt réussies. Une mise en couleurs en aplats vient habiller le tout.
De bonne facture, Lateef, Afghan chez les Cohen constitue un témoignage interpellant sur le drame de la migration à hauteur d’adolescent. À découvrir.
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