B
laise, dix-neuf ans, est un peu beaucoup paumé. Les études supérieures, il a essayé, rien n’a collé. Les Beaux-Arts, cela a duré moins d’une année. Choisir une voie, faire quelque chose, oui, mais quoi ? Côté amour, ce n’est pas vraiment mieux et son histoire avec Marie s’est éteinte toute seule. Alors, que faire pour s’engager dans cette vie qui l’attend, là, juste devant lui ? Pfff… Une petite marche peut-être ? Genre, jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle ? Il a même des potes qui sont prêts à l’accompagner, du moins sur les premiers kilomètres.
Dix ans après son pèlerinage initiatique, Blaise Pruvost partage son vécu dans Six mois et un autre. Mix de travelogue et de journal intime, l’auteur relate son parcours tant intérieur que géographique. Profondément marqué par l’inexpérience et les doutes propres à la fin de l’adolescence et à la peur du futur, l’album retrace les différentes étapes de cette errance volontaire. L’aventure a certainement été cruciale pour le jeune homme, ça ne fait aucun doute. Par contre, comme il le souligne involontairement par différentes références aux classiques du genre, ce type de récit n’est pas nouveau en littérature ni en bande dessinée. De plus, il est peut-être dangereux ou imprudent d’en appeler à Jack Kerouac ou Henry David Thoreau quand, en cas de besoin, papa et maman sont à un coup de téléphone intelligent. Bref, Blaise se sentait mal dans sa peau et il a osé sortir de sa zone de confort et «affronter» le monde comme un grand. Bien lui en a fait. Par contre, si le lecteur est content pour lui, son rôle se limite à suivre cette pérégrination de l’extérieur, sans en y ressentir aucun souffle ou toute forme de révélation, malheureusement.
Visuellement, l’ouvrage montre toutes les qualités (enthousiasme, sens du découpage et un joli coup de crayon) et les défauts (manque d’homogénéité et style pas abouti) de la première œuvre. Peut-être que trois cents pages pour débuter était un peu trop ambitieux. Toujours est-il que le dessinateur est allé au bout de son rêve et que le dernier quart du livre montre une progression bien réelle, dans le trait et la composition des planches.
S’il y a une leçon à retenir de ce crapahutage existentiel et de Six mois et un autre, c’est qu’il faut parfois oser se lancer dans l’inconnu et savoir aller vers les autres. Parfois, ça marche et c’est enrichissant, d'autres fois le courant ne passe pas et la route est longue (sans compter que l’orage menace).
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