L
ondres, 1950. Victoria Jones, une secrétaire un peu fantasque, perd son emploi. Dans un parc, elle croise brièvement un homme ; elle ne sait rien de lui, sinon son prénom et qu’il s’apprête à se rendre à Bagdad. Sur un coup de tête, elle décide de l’y rejoindre, même si elle n’a pas un sou vaillant. Découvrant la ville à la façon d'une touriste, elle ne voit pas que ses rues sont le théâtre de l’affrontement d’espions, jusqu’à ce qu’un inconnu vienne mourir dans sa chambre d’hôtel.
Avec Rendez-vous à Bagdad, les éditions Paquet poursuivent leur présentation en bande dessinée de l’œuvre d’Agatha Christie. Frédéric Brémaud réalise un bon travail d’adaptation d’un récit s’articulant autour d’un quintette de protagonistes. Ce premier tome du diptyque pose beaucoup de questions et offre peu de réponses. Après tout, comme il se doit dans un roman d’espionnage, chacun n’est pas nécessairement celui qu’il prétend être et il revient au lecteur de faire les déductions nécessaires.
Le scénariste déploie une amusante astuce ; son narrateur est omniprésent, mais, curieusement, son ton est modulé en fonction de la personne au cœur de la séquence : il se montre léger et rigolo pour décrire la Londonienne, clinique lorsqu’il présente Anna Scheele, une employée de banque américaine, et introspectif pour dépeindre l’agent britannique Henri Carmichael. Aussi, chacun se voit attribuer une couleur de cartouche, laquelle est immuable tout au long de l’album. Cette stratégie chromatique permet du reste de déterminer quels personnages sont significatifs et ceux qui, a priori, le sont moins.
Alberto Zénon transpose le texte en images à l’aide d’un dessin réaliste de belle tenue. Multipliant les plans, sa caméra semble tourner autour des comédiens, injectant du coup une belle dose de dynamisme au propos. Si les jeunes femmes et hommes exposent une beauté plastique, les acteurs plus âgés affichent des visages anguleux qui, par moments, évoquent le trait d’un Frédéric Bézian. Enfin, de l’Europe à l’Orient en passant par l’Amérique, les décors sont toujours soignés, à l’exception de l’incrustation de publicités et d’affiches commerciales un tantinet détonantes.
Un roman habilement transposé dans l’univers des cases et des bulles. Un livre qui pourrait étonner les râleurs convaincus que les intrigues de la reine du crime sentent la poussière.
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