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ilieu des années 1930, les frères Rubinstein vivent à Hollywood. D’origine polonaise, ils ont grandi en France, avant de mettre le cap sur le nouveau continent. Ils se la coulent douce sur la côte du Pacifique. Salomon, l’aîné, producteur de longs métrages, s’incline devant Jack Warner, lequel le prie d’adapter le script d’Une enfance volée afin que la production puisse être diffusée en Allemagne. Ironiquement, ce film autobiographique raconte les persécutions dont il a été victime avant qu’il fasse le choix de traverser l’océan. Cette complaisance déplaît à Moïse, lequel se révèle bien au fait de ce qui se dessine en Europe. En contrepoint, le scénario présente des séquences captées près d’une décennie plus tard, au camp de Sobibor où l’idéaliste est enfermé.
Dans Le pacte avec Satan, cinquième tome des Frères Rubinstein, Luc Brunschwig propose un regard oblique sur les événements. Il en observe les prémices à partir de l’Amérique, puis les conséquences à travers le quotidien des captifs tenus dans l’ignorance.
L’histoire s’articule autour de la relation entre les frangins que tout oppose, bien qu'ils s'adorent. Moïse est cérébral, droit et intègre ; Salomon se veut pour sa part désengagé, mais gentil et amical. Il prend soin de sa femme aveugle et de ses enfants… et n’hésite jamais à voler au secours de son cadet, notamment pour sauver son pucelage, alors qu’il a pourtant vingt-et-un ans. Au final, l'un et l'autre sont attachants. À travers ce duo dépareillé, se lit en creux l'allégorie d'une Europe déchirée.
D’un fil narratif à l’autre, les transitions apparaissent parfois surprenantes quand la dernière case d’une planche annonce un changement d’époque. Le procédé rappelle d’une certaine façon celui du feuilleton dont les chapitres se terminent habituellement sur un point d’interrogation ; une stratégie éprouvée pour attiser la curiosité du lecteur.
Le dessin réaliste d’Étienne Le Roux sert admirablement le projet. Ses décors, très soignés, y jouent un véritable rôle de soutien. Du clinquant hollywoodien au dénuement des camps de concentration, avec des détours par Berlin et Paris, ils sont toujours à la hauteur. L’artiste relève du reste le défi d’assurer la lisibilité de deux récits entremêlés, dans lesquels se glissent, à l’occasion, des scènes tirées de productions cinématographiques et de films maison.
Pogroms, holocauste, aplaventrisme d’Hollywood, tout cela a un air de déjà-vu. Les auteurs parviennent toutefois à concocter une recette différente avec les mêmes ingrédients, et le résultat se montre convaincant.
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