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cénariste de bande dessinée : même si ce métier a désormais gagné ses lettres de noblesse, il reste le parent pauvre du Neuvième Art (que dire des coloristes ?). Pourtant, qu’il précise méticuleusement son découpage ou laisse toute liberté à son comparse dessinateur, ce sont ses idées, ses angoisses et ses histoires qui rendent les albums passionnants, graves ou rigolos. Afin d’en savoir plus sur ce travail passionnant, James a invité le célèbre William - vous connaissez sûrement ses récits à succès -, afin de démystifier ce boulot mystérieux.
Après l’excellent, mais plus généraliste Anatoles, James propose une nouvelle exploration humaine présentée en gags d’une planche. Comme il est toujours plus facile de parler d’un sujet connu et maîtrisé, il se penche sur son occupation : auteur de BD, scénariste plus particulièrement. Armé d’une autodérision de tous les instants, il détaille les affres de la création et les doutes généralisés que celle-ci entraîne automatiquement. Situations embarrassantes, certainement vécues face à un journaliste ou un fan, pannes d’inspiration, relations à géométrie variable avec un illustrateur ou un éditeur et une certaine cruauté ou encore du désespoir en guise de pudeur, les confessions de William font mouche au fil des pages et des scènes.
Humour doux-amer, un petit peu de facilité ici ou là et deux-trois piques, voire règlements de comptes personnels, l’ouvrage réussit son coup et s’avère vraiment très drôle et révélateur des difficultés rencontrées par ces écrivains d’un genre un peu spécial. Également très bien trouvées et impeccablement réalisées, les variations de styles (moule à gaufre réaliste, strips rappelant les Peanuts, apartés en mode off, etc.) apportent un supplément de dynamisme et de profondeur à la narration. Oui, cette diversité dans la manière, c’est aussi cela l’art de raconter et d’étonner, semble ajouter au passage l’artiste facétieux.
Décalage permanent, réelle sincérité et un soupçon d’accablement immédiatement contrebalancé par un bon mot, William, 31 ans, scénariste. est une lecture jouissive oscillant en permanence entre rire et larmes. Ce qui est attendu de toute histoire bien écrite, finalement.
C'est une œuvre qui s'adresse surtout à un public féru des bandes dessinées afin d'avoir un regard plus critique du monde de l'édition. La critique sera en effet assez féroce sous un couvert d'humour. L'auteur James sait y faire et plutôt bien pour faire passer certains messages. Je dois dire que c'est bien la première fois que je vois une telle salve.
Aussi, le tout-venant sera assez dérouté par une telle lecture. C'est de l'anti-Fabcaro par excellence. D'ailleurs, ce dernier sera un peu épinglé pour l'utilisation de certains procédés jugés dans la facilité comme par exemple des images figées sur toute une planche avec juste un changement dans les bulles de dialogues.
Il y a également une critique de ces scénarios assez accrocheurs qui manquent singulièrement de profondeur et de crédibilité. Parfois, cela fonctionne avec un certain lectorat. L'héroïc fantasy est particulièrement visée avec ses couvertures aux femmes à poitrine assez aguicheuses. Evidemment, aucun nom d'auteur n'est cité mais on voit bien qui est visé.
On notera également les rapports assez particuliers entre le scénariste qui élabore assez rapidement plusieurs projets et qui se rapproche de différents dessinateurs pour les mener à bien. Quand il sort 5 BD dans l'année avec son nom en haut de la couverture devenant assez un auteur prolifique, il y a le travail de plusieurs années pour chacun des dessinateurs. Et pourtant, au niveau de la rétribution, ce n'est pas du tout proportionnel à l'effort fourni.
C'est réellement un humour assez grinçant qui nous montre les coulisses de la bande dessinée où tout n'est pas rose. Les éditeurs doivent supporter les auteurs qui eux-mêmes ne s'entendent pas forcément avec leurs partenaires dessinateurs.
Une critique concernera le sujet des nazis où une crois gammée sur une couverture entraîne immédiatement un effet booste au niveau des ventes. Mais bon, la conviction commerciale prime sur tout le reste.
Bref, c'est un récit de planches à gag et à l'humour assez grinçant pour n'épargner personne. Cela ne fait pas de mal de temps en temps.