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L'herbe du Diable 1630 - Une sage-femme à Cologne

04/05/2023 2671 visiteurs 7.0/10 (1 note)

C ologne, 1630. Alors que la majorité de la région a plutôt choisi la voie de la Réforme, la ville est restée fièrement catholique et le clergé fait même du zèle pour que le dogme de Rome soit appliqué à la lettre. Leur première peur ? Le Malin, évidemment et, surtout, les sorcières, ses servantes lubriques et tentatrices. Dans les faits, aucune odeur de souffre ou de potions maléfiques, il s’agit exclusivement de femmes. Des soignantes qui, armées de connaissances empiriques (principalement les herbes médicinales et des gestes ancestraux), soignent et soulagent les populations. Certaines d’entre elles, les sages-femmes, sont particulièrement ciblées par l’Inquisition. En effet, si elles aident à l’œuvre de Dieu en accompagnant les nouveau-nés, elles peuvent aussi faire la part du Diable en interrompant une grossesse. Garance est une de ses «ventrières» comme elles sont appelées à l’époque, la meilleure de la ville même. Malgré sa réputation et les services qu’elle a rendus à quelques bourgeoises haut-placées, sa position devient de plus en plus précaire. Sa vieille mentos, Adélaïde, ne vient-elle pas d’être arrêtée ?

Fiction historique très documentée, L’herbe du diable offre une plongée percutante vers le passé et le sort réservé alors à celles qui osaient défier l’ordre établi. Le sujet, malheureusement toujours d’actualité, est présenté dans toute sa complexité et a dû demander un important travail de recherche (cf. le dossier en fin d’ouvrage). Par chance et avec intelligence, Benjamin Laurent a su éviter la leçon d’histoire et propose un véritable roman rempli de personnages attachants ou détestables, de suspens et d’émotion. La protagoniste principale, Garance ne se limite pas à sa seule fonction de sage-femme. Croyante sincère, elle est déchirée par une partie des devoirs de sa charge et faire avorter une patiente est une vraie violence pour elle. Ajoutez la pression sociale et les risques encourus et vous obtenez une âme charitable, bonne et confuse, voire désespérée suite à différents évènements intolérables. Les autres acteurs de la distribution ne sont pas en reste et des châtelains à l’Inquisiteur, ils sont méticuleusement présentés sous toutes leurs facettes. Par contre, ce souci permanent d’éviter les caricatures et les raccourcis alourdit quelque peu la narration par moments. Rien de très grave, mais une ou deux ellipses ici ou là auraient permis plus de fluidité et de rythme.

Après le XVIIIe siècle d’Italo Calvino et de son Baron perché, Claire Martin a reculé sa montre de cent ans et s’est déplacée de quelques centaines de kilomètres vers le Nord. Sa reconstitution des lieux et de cette époque s’avère élégante et d’une grande efficacité. De plus, malgré un découpage parfois dense, elle donne de l’énergie à ses planches grâce à une mise en scène inventive et dynamique. Son trait réaliste dans la lignée de Catel et de Claire Bouilhac dépeint avec clarté et autorité cette société corsetée par les croyances et les superstitions.

Un propos universel parfaitement mis en contexte, autant socialement qu’historiquement, une réalisation graphique d’excellent niveau et une galerie de portraits finement observés et dépeints : L’herbe du diable évite le didactisme et préfère le panache et le romanesque pour arriver à ses fins. Une très bonne surprise.

Par A. Perroud
Moyenne des chroniqueurs
7.0

Informations sur l'album

L'herbe du Diable
1630 - Une sage-femme à Cologne

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    Erik67 Le 12/12/2023 à 07:23:04

    J'ai adoré cette BD car elle est intelligemment construite autour d'une sage-femme Garance qui sera accusée d'être une sorcière par l'Inquisition sur dénonciation d'un notable local après un accouchement.

    L'action se passe dans la ville de Cologne en 1630 qui fait partie du Saint-Empire germanique. La guerre de 30 ans fait rage et cela entraîne mort et désolation mais surtout la famine.

    On se rend compte que c'est encore les femmes qui vont payer un lourd tribut. Garance va devoir faire le choix de rester dans la légalité ou de commettre des actes réprouvés par l’église au nom de la compassion pour les femmes. Les hommes non mariés n'ont pas à se préoccuper d'une grossesse.

    En ce qui concerne le titre, l'herbe du diable est la belladone qui a pourtant des propriétés apaisantes. D'autres herbes seront d'ailleurs utilisés par Garance comme la valériane, le millepertuis ou encore la mandragore.

    On rencontrera également le prêtre jésuite Spee qui est chargé de confesser les condamnés et qui se rendra compte que les femmes qu'ils rencontrent ne sont pas des sorcières mais elles ont avoué sous la torture. Bref, il écrira plus tard un manuscrit pour dénoncer ces pratiques.

    A noter qu'on aura droit à un dossier assez détaillé et très bien documenté en fin d'album pour souligner les propos et la présentation des personnages. C'est réellement captivant, une fois n'est pas coutume.

    J'ai apprécié un graphisme assez avenant qui a rendu la lecture tout à fait agréable. Les décors sont très réussis. Les personnages sont facilement identifiables. Bref, un vrai confort visuel qui est présent.

    Au final, je conseille vivement la lecture de cette BD qui apportera une réflexion universelle sur la place de la femme dans l'histoire. C'est vrai que j'ai commencé sans grande conviction pour terminer en apothéose. C'est une belle découverte et une belle surprise !