« Je veux que tu me filmes jusqu’à ma mort. » C'est la dernière volonté que sa mère adresse à Yûta après lui avoir offert un smartphone. L'adolescent s'y prête à sa manière, d'autant plus qu'il est passionné de cinéma. Malheureusement, lors de la présentation de son film dans son établissement, sa manière de voir les derniers instants de mère va perturber les spectateurs. Yûta pense alors se suicider. C'est là qu'intervient la mystérieuse Eri. Cette jeune femme décide de l'aider à se perfectionner.
Ce manga est pensé et réalisé comme un court métrage. L'amour du septième art transpire au travers de chaque planche ; la fascination de son auteur pour la mort, aussi. Tatsuki Fujimoto s'aventure dans un nouveau registre en prenant des risques graphiques, jouant avec les floutages et une narration particulière. Jusqu'au bout de l'album, celle-ci tient en haleine le lecteur qui se demande à de multiples reprises ce qui est réel ou pas dans le récit du personnage principal. Les questions trouvent leurs réponses dans un final "Fujimoresque".
Fait assez rare pour être souligné, à la fin du volume, l'auteur remercie, en les nommant, tous ses assistants, comme dans les crédits d'un générique de fin de film.
Avec Adieu Eri, Tatsuki Fujimoto montre qu'il est un auteur inclassable, aussi doué pour les récits courts que pour les séries shonen dont il peut faire exploser les codes pour les sublimer. Ce one-shot est aussi beau que troublant.
Le concept de ce manga est le suivant : nous avons un couple de 2 jeunes lycéens dont l'une va aider l'autre à réaliser un nouveau film après le fiasco de son précédent.
L'auteur exploite un thème déjà archi-connu à savoir la frontière entre le réel et la fiction où parfois la frontière semble assez flou. A noter qu'il s'agit du mangaka ayant produit en 2022 le remarqué « Look Back » que je n'avais d'ailleurs pas trop apprécié malgré le fait qu'il cartonne. Comme quoi !
Le graphisme en noir et blanc est assez épuré mais il propose juste ce qu’il faut, c’est assez joli dans l'ensemble. Et puis, il y a ses effets troubles avec certains personnages sur certains passages pour donner un cachet spécial. Cette trouvaille permet de se perdre sur le chemin de la réalité.
J'ai bien aimé l'introduction qui est destinée un peu à nous perdre totalement mais c'était assez bien dosé. Je remarque qu'il y a tout de même un véritable travail de l'auteur à choisir le bon cadrage, les décors ainsi que les expressions des personnages.
Il est vrai que le postulat de base était un peu morbide à savoir filmer une personne jusqu'à sa mort incluse. La mère du jeune Yuta encore adolescent avait formulé ce souhait auprès de son fils comme une dernière volonté. Il est vrai que la passion pour le cinéma n'a pas quitté Yuta après le décès par maladie de sa mère.
La réalisation d'un film avait un peu pour objectif guérir les blessures psychologiques de son auteur comme un effet thérapeutique. Cependant, les mauvaises critiques reçues à l’accueil peuvent également ouvrir de nouvelles plaies et avoir un effet pour le moins destructeur.
Je reconnais qu'il y a quelque chose d'assez réfléchi et mâture dans ce récit. Cependant, la fin de ce récit dramatique m'a semblé si incroyable pour être cohérente. En même temps, il est vrai qu'on pouvait avoir un doute sur la véritable nature d'Eri.
Au final, un manga original dans son format et dans son propos avec l'avantage d'être un one-shot assez vite lu.