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epuis qu’elle a quitté l’île d’Agormos, la famille Apothéoz ne connaît que des malheurs. De génération en génération, la guigne s’acharne. Dernier de la lignée, Théo est pétrifié, convaincu que l’échec est irrémédiablement associé à son patronyme. Il vit avec son père alcoolique, qui a mis en viager l’appartement dont il a hérité. Lorsqu’il décède, le héros n’a plus de logis. Son chemin croise alors celui d’Antoine Pépin, célèbre auteur de Mieux vivre avec les autres et avec soi-même, un ouvrage de développement personnel. L’homme de lettres le conseille et le convainc de tenter de reconquérir Camille, son amour de jeunesse.
Avec Monsieur Apothéoz, Julien Frey signe une excellente comédie noire ayant pour cadre la France profonde. L’époque n’est pas précisée, il s’agit vraisemblablement de la deuxième moitié du XXe siècle, avant les ordinateurs et les téléphones portables. Dans ce scénario rondement mené, les événements s’enchaînent selon une logique étrange, mais cohérente. D’une mauvaise décision à l’autre, les personnages devraient s’enfoncer ; le scénariste choisit plutôt de les faire émerger, démontrant du coup que l’inaction sera toujours le pire des choix.
Les comparses, tous attachants, se révèlent victimes, d’une façon ou d’une autre, d’une dynamique familiale dont ils n’arrivent pas à s’affranchir. Chacun souffre d’évoluer dans l’ombre d’un père inadéquat, trop flamboyant ou autoritaire. Incapables de devenir adultes, ils réagissent comme des gamins. La fuite et la dissimulation constituent alors un mode de survie dans un monde qu’ils perçoivent comme hostile. Cela dit, dans cet univers où la morale est élastique, ça fonctionne.
Le dessin semi-caricatural de Dawid se montre en phase avec un projet oscillant entre le drame et la légèreté. Alors que les acteurs ont des bouilles naïves, les décors de villes quasi désertes et figées dans le temps expliquent l’état d’esprit des désespérés. La très jolie colorisation à l’aquarelle repose sur des teintes sombres ; beaucoup d’ocre et de bleu gris, lesquelles ajoutent une couche de morosité à l’ensemble.
Une comédie féroce, susceptible de plaire aux amateurs de la réjouissante série RIP, de Julien Monier et Gaet’s.
Ce titre est censé être feel-good pour nous dire qu’il ne faut pas se complaire dans le malheur tant notre héros Théo Apothéoz est persuadé d'être victime d'une malédiction familiale qui le condamne.
J'ai beaucoup aimé le graphisme qui est très avenant et qui concourt à une lecture plutôt agréable dans l'ensemble. On va faire également la connaissance de deux autres protagonistes assez intéressant dans leur genre.
Pour autant, je n'ai pas aimé cette forme de surenchère dans les péripéties qui m'ont paru totalement invraisemblables sans vouloir vous spoiler. On se croirait véritablement dans un mauvais polar.
Malgré une moralité très douteuse, les personnages s'en donne à cœur joie pour entrer dans un positivisme et un enthousiasme qui n'aurait guère sa place en pareille situation. Le curieux mélange de genre n'est pas réussi et cela décrédibilise l'ensemble qui ne se terminera pas en apothéose.
C'est dommage car ce titre avait tous les atouts pour réussir. Cependant, à force de vouloir rechercher absolument l'originalité, on se perd.
En résumé, un scénario plutôt raté mais un superbe dessin de Dawid tout en aquarelle.
Une vie vide de sens et un peu misérable et très malchanceuse, voilà le portrait de notre héros. Ici justement, c'est un antihéros savamment brossé qui nous ai proposé au travers de scènes drôles et cyniques. Un excellent album qui nous emmène dans les tourments d'Apothéoz avec beaucoup de plaisir et un grand talent graphique. A lire absolument et à partager.