L
a nuit, les chats sont gris dit le proverbe. Ben, pas chez Jean qui rêve en couleurs ! Tout n’est pas rose pour autant, car dès qu'il se retrouve dans les bras de Morphée, les choses ont tendance à disparaître, son amie la chenille en premier lieu. Résultat, au lieu de se reposer, son sommeil se résume à une course effrénée à gauche, à droite afin de rassembler ce qui est encore là. Pfft… il ne faut pas s’étonner que le garçonnet soit si fatigué durant la journée.
Cela fait longtemps que les récits de rêve nourrissent les œuvres de l’avant-garde artistique. Expression de l’inconscient et des fêlures existentielles, poser sur le papier ses impressions nocturnes fait partie des classiques des artistes de tout crin (coucou David B.). Guillaume Chauchat apporte sa pierre à la chambre à coucher avec La villa nuit, un sympathique récit chromatique emballé façon Mondrian.
Six dodos entrecoupés de journées studieuses et monotones, la construction du scénario est toute simple, à l’image des dessins tous ronds. Cette approche typée «livre jeunesse» est contrebalancée par une tonalité nuancée laissant une liberté totale aux interprétations. Depuis Sigmund Freud, le signifiant et le signifié prennent souvent des voies insoupçonnées. Ainsi, chaque lecteur, peu importe s’il est grand ou petit, trouvera certainement les raisons cachées de la volatilisation des objets du quotidien et de l’urgence de sauver ce qui peut encore l’être. Pareil pour cette goutte d’eau, où est-ce une larme ? Un nouveau compagnon ou le souvenir d’un copain disparu ?
Doux, drôle et inquiétant sans être cauchemardesque, La villa nuit distille peut-être plus qu’il ne raconte. C’est bien là la force et le signe de la réussite de l’exercice.
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