Q
ue s’est-il passé à l’automne 2019 et l’hiver suivant ? Les grandes lignes de l’histoire sont connues. Né à Wuhan en Asie, un virus est parti à la conquête de la planète. Au-delà des enjeux médicaux, une vaste opération économique et diplomatique s’est alors mise en place. La France et la Chine sont au cœur de la tempête décrite dans Déraisons d’États.
Éric Corbeyran présente les événements selon trois points de vue complémentaires. D’abord celui de Georges Champagny, conseiller au cabinet du président de la République. Ensuite, Jeanne Brun, pneumologue au Centre hospitalier universitaire de la Timone à Marseille ; puis Pierre Fleurus, journaliste à Channel News Network. Le trio subodore que l’heure est grave, mais il peine à se faire entendre par les politiciens et les hauts fonctionnaires. Ces personnages, tous fictifs, sont les moteurs de la narration inscrite dans un cadre très réaliste.
L’auteur n’est pas tendre avec les décideurs. Il pointe l’opacité du gouvernement chinois qui a tardé à aviser le monde, avant de commercialiser, à fort prix, masques et respirateurs. Il souligne également à quel point les Français ont longuement tergiversé avant de prendre la réelle mesure de la catastrophe à venir. Alors qu’un nouvel ordre mondial se redéfinit, les intervenants évitent d’irriter la superpuissance politique, commerciale et scientifique.
Il demeure difficile de déterminer la part de faits avérés et de théories dans ce projet. La collaboration au scénario de l’homme politique Olivier Darasson et du reporter Renaud Girard invite tout de même à croire que les assises de l’intrigue sont solides. Certaines pistes semblent toutefois moins avérées, notamment lorsque les protagonistes spéculent sur la nature des recherches réalisées à l’institut de virologie chinois. Une mise en contexte ou une postface aurait été bienvenues.
Dans cet album aux allures de documentaire, les illustrations de Valentine Sarrazin jouent un rôle secondaire. Elles apparaissent d’ailleurs rapidement exécutées ; les acteurs ont souvent d’étranges moues et les décors se montrent sommaires, voire inexistants.
Un bel exercice de politique-fiction. Au final, le lecteur se dit que ce qui fait le plus peur dans cette pandémie, ce n’est pas vraiment le virus, mais plutôt le manque de lucidité des uns et l’opportunisme des autres.
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