D
u fait d'un concours de circonstances loufoques, c’est par l’oreille que Gargamelle accouchera de son fils, Gargantua. Une naissance si singulière annonce, cela va de soi, une vie hors du commun. Les lecteurs ne sont pas déçus.
Avec beaucoup de sagesse, Marielle Faucheur a choisi de s’en tenir à une poignée d’anecdotes, parmi les plus représentatives de la jeunesse du héros, de son voyage à Paris, de la guerre de la Fouace et de la fondation de l’abbaye de Thélème. L’autrice a su en extraire la substantifique moelle et chacune des nouvelles compte moins d’une dizaine de planches. Au-delà de la farce, elle arrive également à traduire la vision humaniste logée au cœur de l’ambition littéraire de Rabelais . Ses critiques de l’éducation et de la religion se révèlent particulièrement mordantes.
La formule vise avant tout à présenter le célèbre écrivain aux jeunes ; la visée didactique apparaît d'ailleurs évidente. Ainsi, chaque chapitre est précédé d'un lexique de trois ou quatre mots. Le pamphlétaire lui-même intervient régulièrement pour contextualiser le propos ; ces parties sont probablement les plus importantes. Dans ces segments, les dialogues du maître avec son chien, Kiki, apportent un éclairage sur la section qu’ils concluent. Enfin, le livre se termine avec une biographie décrivant l’homme, son époque et son projet.
À l’image du récit qu’il illustre, le dessin caricatural de Jean-Luc Loyer est enjoué. Ses personnages, bien qu’ils aient l’allure de pantins, sont toujours très expressifs. La mise en scène se montre généreuse ; les cases sont remplies et la curiosité du bibliophile se donnant le mal d’aller au-delà des motifs présentés à l’avant-plan est souvent récompensée. Les couleurs, vives, soulignent le ton joyeux de l’album, elles contrastent avec les teintes sépia qui, plus sobres, mettent en exergue les interventions de l’homme de lettres.
À l’heure où les points de vue tendent à se polariser, voire à se scléroser, peut-être est-il opportun d’inviter les jeunes têtes blondes à renouer avec l’esprit du libre-penseur.
Il est vrai qu'il est difficile de réduire un ouvrage gargantuesque dans une cinquantaine de pages ; mais là on est vraiment dans une version anémique de l’ouvre de Rabelais. Les dossiers entre les chapitres et en fin d'ouvrage ne compensent pas la maigreur de la chose ; on reste sur sa faim ... Je n'ai pas été non plus convaincu par le style rond de Jean-Luc Loyer.