Théodore Poussin a toujours été synonyme d'aventure, ce depuis déjà trente-cinq ans. Elle offre dès l'origine un cortège de pirates, de décors exotiques, de femmes fatales et de mystère. Pourtant, Frank Le Gall a toujours pris soin de ne pas se laisser aller aux explosions technicolor, préférant faire de sa série un voyage plus intime et mélancolique.
Ce quatorzième tome ne fait pas exception à la règle. L'armée britannique est bien décidée à mettre la main sur Théodore, qu'elle soupçonne de piraterie. Ce dernier s'est réfugié chez la belle Aro Satoe, où il espère être à l'abri des autorités. Le répit est de courte durée et des soldats débarquent pour l'arrêter. Pour leur échapper, Poussin est contraint de fuir et s'enfonce dans la jungle, accompagné de la jeune femme et d'un des lieutenants de celle-ci : Nana Sahib. Le périple se révèle des plus dangereux. Une peuplade mystérieuse hanterait la forêt et un piège mortel pourrait se dissimuler derrière chaque branche. Dans une ambiance de plus en plus étrange, le jeune homme est confronté à un choix extrêmement difficile, qui fait écho à son histoire familiale.
Ce nouveau tome combine action et voyage intérieur, comme cela a déjà souvent été le cas dans les épisodes précédents. Ce ton si particulier est la marque de cette saga débutée il y aura bientôt quatre décennies. Avec constance, Théodore Poussin évolue hors des modes et des tendances, préservant une identité particulière entre Tintin et Corto Maltese. Son principal protagoniste a toujours partagé une certaine parenté physique avec le personnage d'Hergé, mais sa complexité et sa mélancolie le rapprochent plus de l'alter ego d'Hugo Pratt. Le petit gratte-papier rencontré dans Capitaine Steene, est devenu un marin un peu désabusé qui préfère voguer à la limite des grandes routes commerciales. Il cabote à son rythme, faisant escale de loin en loin, vagabondant sur les mers de Chine et d'ailleurs. Naviguer dans son sillage reste décidément très agréable.
Bel album même si dans ce cycle j'ai préféré les deux précédents. Le Gall continue de creuser son héros. J'ai adoré la traque dans cette forêt oppressante. Le seul bémol va aux couleurs que je trouve un peu fades.