Île d’Amorgos, Mer Méditerranée, 5e siècle av. J.-C. La vie suit tranquillement son cours dans cette petite communauté insulaire grecque. Dirigeants, artisans, enfants, anciens, les rôles de chacun sont clairement distribués et le calme règne. Cependant, de temps à autre, des pillards venus d’on ne sait où fondent sur la ville et se servent. Réfugiés dans l’Acropole, leur place forte, les habitants préfèrent se terrer que de devoir affronter ces barbares. «--Ah quoi donc servez-vous ?» tempête Philoklès en s’adressant aux soldats censés défendre les lieux. «-Tais-toi pêcheur, tu ne connais rien aux armes.» lui répondent-ils en le raillant. «-Si c’est comme ça, j’irai moi-même à leur poursuite !» et voilà, le jeune homme qui s’embarque sur la trace des brigands sous les quolibets. La réalité de sa condition va rapidement le rappeler à l’ordre, mais c’est trop tard, il vogue déjà au-delà de l’horizon.
Mark Eacersall et Serge Latapy se sont placés sous le haut patronage d’Homère en imaginant Kléos – Celui qui rêvait de gloire. Le geste est audacieux et passablement gonflé, mais immédiatement assumé et se résume finalement à un hommage profondément sincère et respectueux envers l’auteur de L’Iliade et L’Odyssée. Philoklès est un rêveur qui a certainement trop écouté le poète et pour qui l’aventure est synonyme d’ivresse et d'héroïsme. Une once de Don Quichotte, un soupçon de Candide et forcément énormément d’Ulysse, sa quête va se révéler diamétralement différente de ses attentes toutes livresques. Péripéties diverses et variées, ce qu'il faut d’humour et même une pointe d’érotisme, le scénario se montre à la hauteur de son modèle antique. Si le rythme général s’avère un peu nonchalant par moments, le ton très frais et l’originalité des situations rendent la lecture prenante. Le mélange entre le drame et l’ingénuité du protagoniste principal fonctionne admirablement bien.
Aux pinceaux, Amélie Causse rend une copie lumineuse et très habilement mise en scène. Le découpage très ouvert allie efficacité et lisibilité à l’aide de cases sans détourage qui s’ouvrent sur les rêveries de l’apprenti aventurier. Des fragments de récits mythologiques s’incrustent ici et là au fil des rencontres souvent épiques du héros débutant. Résultat, textes et illustrations parfaitement en phase procurent à l’album une cohérence et un dynamisme des plus agréables.
Un œil braqué vers le passé (et quel passé !) et l’autre lorgnant sur des considérations actuelles et pertinentes, Kléos – Celui qui rêvait de gloire est une jolie surprise remplie de fracas et de suspens. Vivement la suite !
Adieux les mythes, bienvenue dans le monde réel ! C'est la triste réalité que va devoir affronter le jeune Kleos. Armé de ses rêves et de ses idéaux, notre "anti-héro" nous embarque pour une aventure très originale inspiré de la mythologie grecque. Cet ouvrage est rafraichissant ! Il sort enfin des carcans réservés habituellement à cette période historique que sont les mythes ou les guerres.
Le dessin est très intéressant. A la fois sobre et riche en détail, il plonge le lecteur dans l'antiquité et le monde grec comme de rares dessinateurs en sont capables. Les couleurs rendent magnifiquement bien.
Alors avec tout ça, comment ne pas se prendre d'affection pour Kleos et attendre avec impatience la sortie du 2ème et ultime tome?
Une lecture à savourer pour tous les amateurs de BD historique ou simplement d'aventures sympas.