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dette, la jeune vingtaine, entame sa vie d’adulte avec envie et curiosité. Au grand dam de sa mère, elle a arrêté ses études et travaille désormais dans une librairie. Avant tout, elle a soif de liberté, de découvertes et de rencontres. Sur ce dernier point, ça fait deux-trois fois qu’elle croise Naïna et il semblerait que le courant passe entre elles… Une petite gêne dans l’œil, rien de grave, juste de la fatigue oculaire, selon l’opticien du quartier vient mettre une ombre au tableau. Quand cette tache fluctuante, cette méduse comme elle l’a surnommée, se dédouble, elle se décide d’aller consulter un ophtalmologue à l’hôpital, juste pour être sûre ou avoir un médicament. Les yeux, le regard, c’est important.
Jolie et sympathique chronique contemporaine, La méduse démarre classiquement en offrant une peinture parlante d’une femme de la génération millénium : fièrement indépendante, un téléphone portable toujours sur «on» et une petite tribu de copains et copines pour profiter de Montréal. Modernité oblige, cette existence est évidemment branchée non-stop sur les réseaux sociaux. Sauf pour ce détail, peu ou prou de différence avec les trajectoires des X, Y ou Z qui l’ont précédée.
Afin de nourrir son récit, Boum raconte certainement un peu elle-même via Odette. Pour autant, même partiellement autobiographique, La méduse n’est pas de l’auto-fiction à proprement parler. Le propos va plus loin et c’est bien l’époque actuelle, ou du moins d’une partie de celle-ci, que la scénariste tente de cerner, avec, en point d’orgue, les problèmes de vision de son héroïne.
Le ton change cependant radicalement à partir de l’apparition et, surtout, de la multiplication de ces «méduses». En effet, ce qui se lisait jusqu’à présent comme une sitcom assez générique se transforme en une étude psychologique tendue et dramatique. À l’image de Michel Rabagliati dans Paul, la rupture narrative est brutale. D’un seul coup, le quotidien ronronnant se fissure et s’écroule laissant la place aux doutes et à l’inéluctable. L’autrice décrit les affres que traverse son personnage principal avec justesse et une affection tangible, le tout sans excès de pathos et aucune forme de misérabilisme.
Un noir et blanc riche et nuancé, une mise en scène recherchée et élégante conduisent cette fable d’aujourd’hui avec autorité et efficacité. Mieux encore, si le trait est précis, il sait parfaitement laisser la place aux émotions pour s’exprimer d’une manière la plus naturelle.
Dépassant son allure de BD underground ou de roman graphique à la mode, La méduse est une excellente surprise remplie de tendresse, d’amour et de larmes.
Très belle histoire qui aborde le thème de la perte de vision avec beaucoup de justesse (j’adore l’idée de la méduse !). Avec aussi une réflexion plus large sur la différence. J’ai bien aimé les textes « made in Québec ». Ça donne un petit côté exotique vu de chez nous, mais, en même temps, ça n’empêche pas d’adhérer à ce que Boum raconte.
Bonne pioche !
La méduse est un animal marin capable de paralyser ses proies au moyen d'une substance urticante et vénéneuse. Là, nous avons une jeune femme qui est convaincu d'avoir une méduse dans l’œil et qui se multiplie. Allô Docteur, je crois que nous avons un problème.
Certes, il faut avoir un double sens de lecture comme une métaphore d'une maladie qui se gangrène. Visiblement, il s'agit d'une maladie de l’œil pouvant faire perdre la vue. Or, les méduses lui gâchent la vue avec leur fameuse substance noire. Le combat commence car il s'agit d'apprivoiser ces bestioles.
A noter que l'auteure Boum fait son autobiographie au travers de ce récit qui a pour cadre le Québec. On retrouvera des expressions qu'on aura un peu de mal à comprendre en français car ce n'est pas forcément traduit dans notre langage.
On évite le pathos pour une réflexion sur les terribles événements de vie pouvant nous affecter. On éprouve assez vite de l'empathie pour le personnage principal d'Odette qui ressemble à un garçon. Bon, j'avouerai quand même que la scène de danser avec son drink dans une boîte de nuit est vraiment une très mauvaise idée et que cela fait tête à claque. Mais bon, passons !
On retiendra qu'il y a véritablement beaucoup de tendresse dans cet album à la ligne graphique assez épuré. J'ai beaucoup aimé la fin de l'album où on observe une véritable audace de case dans cette mise en scène progressive de l'obscurité.
Malgré le noir, cela se termine par non pas une note d'espoir mais par l'acceptation de vivre autrement. Une réussite sur un thème plutôt difficile.