P
remières gelées
Deux crapauds font route au sud.
Rainette qui suit
apprend les secrets de vie
au rythme d’une saison.
Bel objet édité par les éditions de la Cerise, le nouvel album de Linnea Sterte (In-humus) accroche d’abord l’œil avec son format à l’italienne et son dos toilé d’un beau bleu indigo délicatement frappé d’un feuillage plus clair. L’écrin ouvert dévoile un papier agréablement velouté et des illustrations qui s’étalent chacune sur une planche (parfois sur deux). Le style graphique rappelle les estampes, et l’horizontalité l’emaki, ce rouleau peint, déroulé par le lecteur et ré-enrouler en parallèle, ne permettant de se concentrer que sur la partie visible posée devant soi.
L’histoire possède tout d’une fable, animalière et pleine de poésie. Elle constitue également une initiation, celle des premières fois, de l’exploration d’autres horizons et des découvertes. Elle commence par une lubie : celle du spectre d’une fleur fanée et d’un duo de crapauds bohèmes souhaitant gagner des contrées plus chaudes, les seconds transportant le premier. Rapidement, elle donne aux batraciens l’occasion de croiser des cousins grenouilles – un vieux et un jeune spécimens – occupés à se préparer pour l’hiver qui pointe. Il ne faut guère plus qu’une discussion au coin du feu pour donner l’envie au juvénile amphibien d’accompagner ces visiteurs jusqu’aux Tropiques. Échappée au petit matin en emportant deux ombrelles, échange avec l’hôtesse d’un prunier, exploration d’un verger humain, descente sur un ruisseau en mangeant du melon, partage de kakis sous les branches d’un plaqueminier, bout de chemin à bord d’une carriole menée par une souris, danse au village des chats pêcheurs, foulées dans le sable face à l’océan, cavalcade à dos de chienne vieillissante : le voyage est fait de rencontres et d’éveil à la fugacité de l’existence et au sens de la vie.
Entre méditation et contemplation, le récit s’égrène ainsi tranquillement au fil des images et de quelques menues péripéties, tandis que le froid gagne la nature progressivement, dénudant les arbres et imposant le silence aux cigales, avant de déployer ses flocons. Tout cela est très joliment rendu par le graphisme de Linnea Sterte, entièrement imprégné de cette magie de l’instant suspendu et de l’art du détail délicat à la manière nippone. Habillés de kimonos, les personnages centraux et quelques autres s’inscrivent dans un microcosme où menue faune, flore et paysages invitent à s’attarder. Là, c’est une calebasse qui attire le regard, ailleurs un enchevêtrement floral ou les cimes enneigées des pins, quand ce ne sont pas les cornes d’un escargot sur les reliefs d’un repas ou l’éruption lointaine d’un volcan dans un cadre empli de quiétude. Les sensations sonores du ressac de la mer et du chant des insectes ne manquent pas, puisque des onomatopées envahissantes viennent peupler l’une ou l’autre page afin de produire l’effet voulu.
Conte initiatique à hauteur de brin d’herbe, à la fois doux et légèrement mélancolique, Une rainette en automne (et plus encore) devra se savourer par petites touches pour en goûter tout le suc.
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Cette petite fable japonisante et emplie de poésie se déroule doucement sous nos yeux, et narre l'histoire d'une rainette qui découvre le monde et fait des rencontres. Si l'histoire est douce et joliment illustrée, le fond ne m'a pas transportée, manquant probablement d'un message fort ou d'une fin qui laisse songeur. Il manque peut être un côté épique qui dénoterait dans cette douceur à la limite du mièvre. Jolie bd mais un peu trop creuse à mon goût.