D
ans ce manga, les lecteurs suivent le quotidien vénitien d'une détective privée fauchée et oisive. Mariel Imari manque de travail mais ne s'en plaint pas... Ce pitch résume la trame narrative principale mais il ne rend pas compte de l'atmosphère étrange qui se dégage de cet album. Kenji Tsuruta a e, effet une manière très personnelle de poser un décor et de faire vivre ses héroïnes dans une ambiance singulière.
À la lecture des premières planches, c'est l'onirisme qui est le plus marquant. Lenteur et contemplation sont les maîtres-mots de ce one-shot. Les habitués de l’univers de cet auteur se retrouvent en territoire familier, puisqu'il est possible de voir en Pomme la prisonnière une quasi suite de Forget me not. En effet, l'action prend place dans la même ville, avec une protagoniste qui exerce un métier identique ; la différence notable est qu’il ne s’agit pas de la même héroïne. Coller l'étiquette de spin-off à cet album serait pourtant une erreur. Il s'agit davantage d'une digression dans un univers connu, qui permet au mangaka de poursuivre une exploration de son art et de thèmes. Parmi ceux-ci, il y a la fascination pour le corps féminin. Là encore, afin d'éviter tout malentendu, ce manga n'est pas d'un hentaï. Le nu n'est jamais gratuit, mais correspond à la mentalité du personnage principal et contribue à l'aspect contemplatif du titre. Tsuruta rend hommage à la beauté du corps : féminin, comme dans le chapitre qui voit deux jeunes femmes danser nues dans le brouillard vénitien, ou bien félin puisque les chats peuplent l'intégralité des histoires. Le travail graphique sur les corps est la colonne vertébrale de cet ensemble qui peut sembler disparate. Cette impression, que pourront ressentir les observateurs les plus pointilleux, résulte du fait qu'il n'y a pas de suite logique entre les chapitres. Le fait que ces derniers ont été pré-publiés entre 2010 et 2014 dans le magazine Rakuen, à un rythme haché et irrégulier explique sans doute cet état de fait. Les éditions Hakusensha, qui possèdent Rakuen, ont alors regroupé une bonne vingtaine de ces très courts récits (huit pages en moyenne) en un seul tome. Cet agrégat de petites scènes où l’oisiveté règne sont presque toutes indépendantes. L'idée étant de découvrir une ville par le biais de petits moments de vie calme.
Noeve GraphiX fait plaisir aux fans de Tsuruta avec ce livre hybride entre le manga et l'artbook, qui comporte quelques commentaires de l’auteur ainsi que d'autres qui sont venus apporter des illustrations complémentaires. Ce recueil est un curieux objet poétique que les fans du maître apprécieront particulièrement.
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