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uelque part sur la Côte d’Opale, coincé entre misère sociale et culturelle, des ados en vacances font tout ce que la région peut proposer… c'est-à-dire as grand-chose. Jessica assume mal la féminisation de son corps, tandis que Bozo et Antoine font face à cette tempête hormonale qui rend encore plus stupide.
Dans ce premier album, Camille Poulie signe une chronique sociale sans concessions. Rien ne manque, du survêt’ satiné aux faux airs de bravache, mesquinerie de petits cons qui se rêvent plus grands qu’ils ne sont. Si la période est celle des années Chirac et des « livres-dont-vous-êtes-le-héros », il semble évident que ce portrait reste d’une brulante actualité.
Les pages sont crues et violentes, grattant jusqu’à l’os ce moment où les gamins quittent l’enfance pour se retrouver ils ne savent trop où, mais sans rite de passage ou guide pour les accompagner. Alors, ils essayent et se plantent. Rien de grave. Juste des petites humiliations, des coups échangés, des hiérarchies bousculées, des amitiés qui s’étiolent…
Avec un style affirmé qui évoque parfois Edmond Baudoin, l’auteur dissèque en quelques scènes cette période avec un sens aigu de la vérité, même si le sujet, austère et pouvant paraître rébarbatif, pourra refroidir le lecteur potentiel. Il n’empêche que ce Bunker possède quelques qualités qui laissent présager de belles choses pour la suite.
Jessica est une fille qui se cherche. Cheveux courts, jogging, allure masculine, elle règne sur un petit groupe de jeunes. Mais dans les villages, les personnalités se heurtent vite. Autour de conflits, mais également de moments d'acceptation, Camille Poulie nous décrit une société qui oscille entre positivité et négativité.
Ces conflits sociaux sont incarnés par le personnage de Jessica qui va centraliser toutes ces émotions. Ce personnage m'a d'ailleurs bouleversé. Au départ, Jessica apparaît comme brutale et vulgaire, mais au fil des pages, on découvre une fille qui souffre, une fille sensible et qui veut tout simplement être elle même. Ce personnage est le centre de tout ce scénario. Camille Poulie l'a donc élaboré avec soin et complexité.
Esthétiquement, j'avoue avoir été désarçonnée. L'ensemble est en noir et blanc avec des traits nerveux. Les vignettes semblent en perpétuel mouvement. Tout semble bouger au rythme de la société qui entoure Jessica. Les traits sont bruts, sans fioriture et j'ai eu du mal à me faire à l'esprit graphique.
Pour conclure, j'ai apprécié le scénario sociétal de cette BD mais je reste perplexe quant au graphisme.