Saison brune 2.0 Nos empreintes digitales

A lbum cri d’alarme et du cœur doublé d’un argumentaire solide, Saison Brune avait marqué l’année 2012. Philippe Squarzoni lançait un pavé graphique dans la mare et expliquait méticuleusement la crise environnementale en devenir. Énergie, surconsommation, changement climatique, il reliait les circuits courts et longs, mettait à jour les contradictions, les abus et les hypocrisies. Les tendances, les chiffres, les conséquences et les conclusions, tout était montré et raconté en long et en large dans cet ouvrage de plus de quatre cent cinquante pages.

2022, des émissions de CO2 grimpant inlassablement, une pandémie et d’innombrables catastrophes naturelles directement liées à un environnement toujours plus dégradé, rien ou si peu, n’a vraiment changé. L’auteur d’Homicide se sent obligé de remettre le couvert dix ans après. Seulement, durant cette décennie, de nombreuses BD-docu se sont emparées du sujet sous à peu près tous les angles. Le canari a-t-il encore de la voix ? Un énième exposé présentant encore les mêmes éléments est-il pertinent ? La réponse est oui, dans les deux cas.

Avec son approche façon zapping alternant graphiques techniques, flot d’images et scènes plus intimes, Philippe Squarzoni capte instantanément l’attention. Un post sur un forum ici, une vidéo youtube© là, quelques likes en passant et ce tiroir rempli de machins électroniques obsolètes ou juste passés de mode : le dessinateur met en scène le quotidien tel que lui et le lecteur le vivent. Certes, avec des milliards d’utilisateurs, les responsabilités se retrouvent diluées, celles-ci ne s’avèrent pas moins réelles et partagées par toutes et tous. Les preuves sont là, impossibles à éluder. Aussi petits ou anodins qu'ils soient nos gestes de tous les jours participent activement à l’épuisement de la planète. Les GAFAM et leurs miroirs aux alouettes sont évidemment les premiers coupables. N’oublions pas qu’il s’agit bien de nos clics et nos attentes toujours plus élevées qui nourrissent la bête.

Face à ce serpent qui se mord la queue, les solutions sont à la fois simples et inatteignables. L’intrication de nos modes de vie et de nos désirs avec le pillage et le gaspillage des ressources (sans parler du coût humain induit) est telle qu’il est devenu aussi difficile de faire un pas de côté que de raffiner un gramme de terre rare. Ralentir notre rythme, prendre le temps de comprendre les impacts de nos choix, s’éduquer un petit peu, lire cette bande dessinée, la partager avec les autres ou simplement prendre une petite marche et respirer un bon coup.

Crispant, intolérable, tellement proche et tangible, Saison Brune 2.0 (Nos empreintes digitales) met tout sur la table. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas. Indispensable.