"Je m'appelle Sophie, et les deux balles que vous venez d'entendre, elles étaient pour moi." Débutant l'album, cette première phrase retranscrit le moment où la vie de Sophie Parra bascule un soir de concert au Bataclan, le 13 novembre 2015.
Ce soir-là, tout commence de la manière la plus banale : une bière et une conversation avec une amie avant de se ruer au concert des Eagles of death metal de passage à Paris. Malheureusement, la représentation tourne au massacre... les deux jeunes femmes en réchappent, mais s'en sortent-elles ?
"Témoigner me tenait à cœur, même si je ne souhaite pas rester enfermée dans le statut de victime : je suis aussi plein d’autres choses !" dit Sophie dans un entretien à la Tribune de Lyon en aout 2022.
Ce propos résume à lui seul la teneur de l’album. Raconter le vécu de l’horreur est difficile, néanmoins il est nécessaire au travail de reconstruction, voire de résilience. Reste à trouver la manière de témoigner.
Le passage par la bande dessinée - soufflé par un ami - permet, sans pour autant édulcorer les faits, d'être moins pesant qu'un livre traditionnel. Pour la création du scénario, Sophie a été aidée par Davy Mourier, bien connu de l’univers pop geek français. À deux, ils ont pu couvrir l’ensemble du cheminement post-traumatique. En effet, les rescapés ne sortent pas de l’événement : ils doivent se reconstruire et vivre avec. Les historiens connaissent bien ce phénomène lorsqu’ils travaillent avec des témoins. Dans cet album, les lecteurs vont être amenés à comprendre le long parcours vécu après l’attentat, savoir la manière dont une personne peut être traitée par la suite par la société. Entre les médecins froids qui donnent une carte de visite avec un numéro en guise d’aide psychologique, les multiples psys qui seront consultés, peu aptes pour certains (dont un qui pense surtout à être payé), ou encore l’horreur bureaucratique de l’administration française, rien ne sera oublié.
Cela fait aussi partie de l’évènement. Le passage où l'autrice exécute les démarches pour bénéficier d’une indemnisation de fonds de garantie est particulièrement saisissant de la violence dont peut se rendre coupable la société. Criant de vérité ! Les scénaristes ont choisi de tout raconter : les conséquences sur un couple, les relations avec une mère et les amis, la difficulté de sortir, la incompréhension de certains membres du corps médical, le tout entrecoupé de retours sur ce qui s’est passé la nuit du 13 novembre dans la salle de spectacle. Ce qui fera dire plusieurs fois à l’incarnation dessinée de Mme Parra le dit : « Monde de merde ! », la citation d’Abitbol résume l’état d’esprit de la victime face aux nombreuses personnes qu’elle croisera.
Le dessin est confié à Gery dont le style a plu à la scénariste. Celui-ci a un trait rond pour les personnages, ce qui amène de la douceur dans le récit en contraste avec les horreurs vécues mais qui correspond à l’humanité de la personne. De plus, il arrive à modifier quelque peu son trait lors des scènes ayant lieu dans le Bataclan, avec un jeu de couleur également. Les terroristes sont représentés comme des ombres, renforçant le côté glacial et méthodique de leur crime. Enfin, l’idée utilisée pour la fin de ce one-shot est particulièrement juste et renforce le message de celui-ci. Dans ces planches, Sophie donne la vie à son enfant, écho positif à la scène d’introduction qui, elle, semait la mort. Le mimétisme des décors est saisissant et beau, illustrant ainsi que la résilience est réalité.
Après le 13 novembre est un album témoignage puissant et poignant. Un récit qui permettra de mieux comprendre ce qu’est un stress post-traumatique chez une personne ayant vécu un attentat, ainsi que la nécessité pour celle-ci de ne pas oublier et de continuer.
J’ai toujours un petit peu d’appréhension quand je lis une BD qui traite de ces funestes attentats qui ont marqué notre pays sous la présidence de François Hollande. Celle-ci retrace le témoignage d’une victime du Bataclan à savoir Sophie. Sa vie a basculé le 13 novembre 2015 en prenant deux balles dans le corps.
Ce n’est pas la première fois que j’en lis une mais je dois bien affirmer que celle-ci est sans doute la meilleure que j’ai pu lire car non seulement la plus captivante mais la plus représentative de ce qu’on peut vivre les victimes survivantes. Il s’agit non seulement d’une reconstruction physique mais surtout psychique en luttant de toute ses forces.
On pourrait avoir de la haine contre ceux qui ont commis ces actes inqualifiables avec des éclats de rire. Quand on va à un concert, ce n’est pas pour mourir d’une balle dans la tête de la manière la plus affreuse possible comme cette scène insoutenable décrite et qu’il nous faut affronter pour bien comprendre ce qui s’est passé au juste ce soir-là dans cette salle.
La justification des terroristes est notre politique concernant l’Irak et la Syrie. J’avoue à titre personnel ne pas trop comprendre car la France s’est justement opposée à l’envoi de troupes en Irak durant le conflit. Quant à la Syrie, elle est sous le joug de la Russie et de son dictateur sanguinaire qu’elle soutient à savoir Bachar-el-Assad. Entre dictateur, on se comprend d’ailleurs très bien.
Bon, de toute façon, il ne sera guère question de contexte géopolitique mais d’une jeune femme qui tente de se reconstruire après avoir vécu l’horreur de la tuerie de masse. J’ai été sidéré par le nombre de psychologues qu’a consulté notre pauvre héroïne et qui se sont révélés d’une incompétence sans nom.
En effet, l’un s’est endormi pendant l’entretien alors que les faits évoqués étaient d’une importante gravité tragique. L’autre ne fait que de réclamer ses honoraires en ronchonnant sans cesse qu’il n’est pas remboursé tout de suite par la Sécurité Sociale. Quand elle trouve enfin une bonne professionnelle, celle-ci se retire à la retraite. Bref, cela a été un véritable parcours du combattant pour trouver un bon psychologue qui comprenne ce qu’elle a vécu pour l’aider à surmonter cela.
Cependant, ce n’est rien compare à la machine mise en place par l’Etat pour indemniser les victimes de ces attentats. Certes, il s’agit de lutter contre la fraude sociale mais pour les véritables victimes, c’est carrément humiliant. C’est surtout une BD qui se concentre sur l’après attentat, sur les démarches administratives par exemple suite au choc post-traumatique. C’est d’une tristesse sans pareille.
Ce témoignage n’est pas là pour nous demander de la compassion mais pour comprendre tout le processus. Je ne peux m’empêcher de ressentir beaucoup de peine et parfois de colère. Cependant, il ne faut surtout pas tomber dans le racisme le plus primaire ce que démontrera subtilement l'auteure.
En effet, l'auteure victime est la première à dire sur les réseaux sociaux qu’il ne doit pas y avoir d’amalgame avec les bons musulmans qui ne sont pas tous des terroristes. Or, ce discours a été fortement combattu par les positions politiques nationalistes dominantes dans notre pays. Sophie a dû fermer son compte sur les réseaux sociaux suite à un déferlement de paroles haineuses.
Je mets la note maximale non en raison de l’émotion immense que m’a procuré cet album mais parce que cette BD est très bien construite. Il y a toute les nuances nécessaires mais également une sincérité du propos chez cette jeune femme qui souhaite simplement retrouver le goût de vivre et de construire une famille avec son petit ami.
Oui, c’est puissant comme témoignage et cela risque de ne pas vous laisser indemne dans votre ressenti. Cependant, c’est salutaire au même titre que les BD sur les camps de concentration. Il ne faut jamais oublier ce qui s’est passé sur notre territoire et faire en sorte que cela ne recommence plus en adoptant par exemple la bonne politique.
Sinon, j’ai envie de souhaiter du fond du cœur à Sophie plein de courage et de bonheur pour la suite de sa vie !
Le 13 Novembre, date d'une tristesse infinie, date qui a changé la vie de So. En effet, la jeune femme a pris une balle lors de l'attaque du Bataclan. Cette BD nous narre donc sa vie d'après.
J'ai été particulièrement touchée par ce livre. Les attentats du Bataclan m'ont particulièrement marqué et me plonger dans cette BD m' a fait remonter une quantité d'émotions que j'avais enfoui.
So est donc une des personnes qui a survécu à l'attaque. Au fil des pages, on suit sa sortie de l'hôpital, ses angoisses etc. Comment se reconstruire après un tel évènement? Comment vivre avec ce traumatisme?
Le personnage de So est attachant. La BD nous montre ses petites victoires mais également ses gros moments de doutes et de désespoir.
Mais au-delà de l'histoire d'une survivante, cette BD nous montre également le manque de suivi des personnes ayant été victimes de cet attentat. La course au psychologue, la répétition incessante des évènements, le manque de considération, la froideur de l'administration face à la détresse des victimes, sont autant de cris de détresse et de désespoir.
So a éveillé en moi beaucoup de compassion mais le système en revanche a éveillé en moi de la colère.
Esthétiquement, les traits sont simples et les couleurs très tranchées. Certaines planches décrivant les grands moments de violence sont savamment construits permettant de traduire la peur mais aussi le désarroi des personnes. Il n'était pas simple de mettre en image de tels évènements et pourtant, j'ai trouvé que le choix esthétique permet de servir au mieux le récit de So.
Une BD à ne pas louper.