L
a consigne est simple : fendre à toute berzingue un paysage devenu lunaire et défoncer n'importe quelle forme humaine qui viendrait entraver sa progression pour s'emparer de sa cargaison. Le convoi, rempli à ras bord de médicaments, revêt un caractère hautement dangereux pour cette équipe de mercenaires qui le compose et qui devra, quoi qu'il en coûte, l'acheminer à bon port. Mais l'expédition commandée par Alex, une jeune tête brulée, est, comme les précédentes et avant même qu'elle ne parte, vouée à l'échec.
À travers Convoi, Kevan Stevens, l'auteur de Mezkal, dresse un portrait sombre et angoissant d'un futur proche. En toute logique et à force de tirer sur la corde, l'homme à fini par détruire ce qu'il avait bâti. Depuis, et en dehors des villes, des hordes sans foi ni loi se sont constituées, se servant de la violence et du crime pour s'émanciper. À l'instar de l'alimentaire, l'industrie pharmaceutique est la cible privilégiée de ces barbares qui ne reculent devant rien pour voler des produits valant bien plus que de l'or. C'est dans ce climat anxiogène que s'ouvre l'histoire.
Elle serait incomplète sans une galerie de personnages fournie. Qu'ils soient farfelus comme « Stan » ou « Fonzy », un peu con comme « Corbenicio » qui le revendique lui-même, ou transgenre - oui, c'est bien de toi « Jean-Michelle Jacquesson » dont il est question - en définitive, ils s'avèrent tous attachants. La caricature ne se limite pas au dessin une nouvelle fois très convaincant de Jef (Deux hommes en guerre, Une balle dans la tête). Elle s'étend et touche de plein fouet cette ribambelle de canailles écervelées mais néanmoins téméraires. Le ton, très moqueur ainsi que les échanges particulièrement corrosifs, n'épargnent personne et auront probablement raison du lecteur prude habitué à rester confortablement calé dans un schéma traditionnel. Les autres trouveront la matière nécessaire pour rire d'un comique qui se rapproche de la satire. Nombreuses, les références télévisuelles ou cinématographiques constituent la couche intermédiaire d'un mille-feuille scénaristique pensé et élaboré avec soin.
De plus, l'intrigue est sur un rythme effréné avec des éléments certes classiques mais qui n'en demeurent pas moins aguicheurs, ce qui rend son intérêt réel et immédiat. L'action ? Elle est omniprésente et est matérialisée par des scènes de baston et de combats à rendre jaloux un Mad Max au mieux de sa forme. Le suspense qui dure accompagné par une surprenante pointe de tendresse - il ne faut pas exagérer non plus - complètent et concrétisent ce projet d'anticipation volumineux.
One-shot savoureux parce qu'il est autant éclectique que décalé et finalement percutant, le public devra vérifier qu'il a bien bouclé sa ceinture de sécurité avant d'entamer sa lecture. Car disons-le, ce Convoi tient la route !
Waouh ! Mais qu'est-ce que c'est que cette BD ?
Qu'est-ce que je viens de lire ?
Un 'one-shot' post apocalyptique à la Mad max ultra-référencé ?
Une peinture au vitriol de la société actuelle et de ses dérives idéologiques malsaines ?
Un cartoon à la Tex Avery version trash ?
Un western pessimiste sur la nature humaine ?
Une ode à l'amour et à la paix universelle entre les peuples ?
C'est à peu près tout cela à la fois (sauf pour le dernier point) mais surtout : un bug dans la matrice, un coup de pied bien placé, une anomalie dans le paysage de la BD franco-belge actuelle. Le duo Jef/Stevens nous revient après le tonitruant 'Mezkal' (qui était déjà bien haut perché) avec ce convoi de la peur transitant de Paris vers Marseille, objet de convoitises.
Cette œuvre est absolument un "ovni" tant il est à la fois inattendu, teinté d'humour noir et une grosse critique bien virulente de sujets actuels (transition de genre, vaccin, écologie, racisme, sectarisme, superficialité, bobo-gauchisme, véganisme…).
Les personnages sont des clichés sur patte et pour la plupart débile ou totalement fou. On prend plaisir à les voir se tirer dessus à coup de 'punchlines' bien senties ou tout simplement à coups de flingues.
Les références sont légions sur à peu près toutes les planches et c'est fort bien plaisant de les relever ajoutant une dose d'humour bienvenue dans cet univers particulièrement sordide. La pagination est importante pour une histoire complète et les dessins de Jef s'inscrivent bien dans le délire débridé de l'ensemble.
A réserver à un public très averti (outre la violence, la vulgarité extrême, il y a des scènes de sexe). En conclusion un one-shot à la fois jubilatoire, pas subtil du tout, violent, gore, rentre-dedans et politiquement très incorrect.