1924, Corto débarque à Berlin pour apprendre que Jeremiah Steiner y a été assassiné. Dans une Allemagne qui se cherche sans avoir encore succombé aux démons du fascisme, ce qui était un banal rendez-vous entre deux vieux amis va devenir une quête ésotérique, à moins qu’il ne soit plus prosaïquement question d’enquête et de vengeance…
L’histoire en elle-même a-t-elle grand intérêt car, sous des formes changeantes, elle se répète souvent ? C’est la manière de la raconter et de la transmettre qui importe ! En la matière difficile de se singulariser lorsque, finalement, vous ne disposez que de peu de liberté pour le faire ! En reprenant Corto Maltese, Ruben Pellejero comme Juan Diaz Canales savaient à quoi s’attendre… et force est de constater qu’in fine, l’exercice ne leur réussit pas si mal. Ainsi, Nocturnes berlinois démontre leur capacité à faire évoluer la saga tout en s’attachant à une forme de continuité.
Pour ce qui est du scénario, Juan Diaz Canales sait se plier aux figures imposées sans toutefois les nimber de l’aura ésotérique du maitre italien et, à l’évidence, il semble enclin à plus de rationalité : il y a eu meurtre, il y a donc un meurtrier… ce qui ne l’empêche pas de broder un succédané de conte où fiction, ésotérisme et réalité historique se renvoient la balle pour se justifier mutuellement. Coté dessin, la sobriété et le minimalisme des décors d’antan tranchent avec la densité et la minutie des plans larges sur lesquels joue Ruben Pellejero. Ce faisant, le graphisme glisse lentement du figuratif, voire de l’épure, vers le réaliste tout en se gardant de consommer la rupture trop brutalement, à l’image de ces ombres qui perdurent fugacement ou de ces quelques plans moyens sans fond…
Sans réel défaut s’il n’était cette intensité des noirs qui alourdit plus qu’elle ne marque, ce seizième opus fait office de transition. Ne serait-il pas temps de dépasser les côtes de Mû pour explorer de nouvelle terres (ou mers) inconnues ?
Canales et pellejero ont su reprendre de très belle manière les aventures de corto maltese.
Ils reviennent bientôt après le naufrage de Vivès et quenehen
Que penser du Roman Graphique "Nocturnes berlinois" , la 16ème aventure de Corto Maltese (2022- Editions Casterman) par le Scénariste Juan Diaz Canales et le Dessinateur Ruben Pellejero ?
D’abord, pour moi, je choisis toujours la version en noir et blanc des parutions « Corto Maltese ». Les versions en couleurs perdent leur efficacité.
Deuxièmement, les américains, à travers Marvel et DC, ont réussi à produire des chefs d’œuvres avec des auteurs qui se succèdent sur le même personnage ( Spider-Man, Daredevil , etc…), même avec des incohérences chronologiques.
Peut-on y arriver en Europe ?
Corto Maltese, c’est l’aventure et l’exotisme. Dans cet album, le marin légendaire est de retour en Europe et plus précisément en Allemagne. L’ Allemagne des Années Folles et de l’expressionnisme auxquels les auteurs rendent hommage à travers de beaux travaux graphiques ( Corto dans un film, les éclairages très nocturnes des cases …). D’où le titre de la BD.
C’est l’Allemagne et la montée des nazis face à la fragile République de Weimar et l’élimination des intellectuels Juifs.
Bien sûre, l’occultisme reste présent dans ce récit avec des sociétés secrètes et un jeu de tarot rare à trouver. Bien sûre, il y a des ellipses et Corto Maltese reste un marcheur inaccessible jusqu’à la dernière Planche de l’album. Et c’est l’avantage des Auteurs tous deux d’origines espagnoles ( Canales né en 1972 et auteur à succès de "Blacksade" et Pellejero qui en est à son 4ème Corto Maltese), d’offrir une vision méditerranéenne de l’Allemagne des cabarets et des femmes qui se libèrent (voir le personnage principal féminin de ce récit).
Mais, mettre Corto dans cette Europe si contemporaine perd un peu de son charme tout en gardant l’essentiel.
Donc, je suis à moitié convaincu.
Automne 1924. CORTO MALTESE se rend à Berlin pour y retrouver son vieil ami le professeur Steiner. Mais à son arrivée dans la capitale allemande, il découvre qu'il a été assassiné. Entre Berlin et Prague, Corto décide alors de retrouver le meurtrier de Steiner pour venger la mort de son ami. Sa route l'amènera à croiser entre autres des bolcheviques allemands, des membres du parti nazi, des alchimistes juifs et des actrices aussi charmantes que talentueuses ...
On retrouve une fois de plus tout ce qui fait le charme d'un bon épisode de Corto : l'aventure, l'ironie, les phrases spirituelles, les références culturelles et la poésie, le charme féminin, quelques passages mystiques et ésotériques ... Le tout habillé d'un dessin très fidèle au style Pratt et qui pour ma part me plaît énormément : parfois épuré, parfois plus travaillé, mais toujours subtil et très élégant, avec une belle maîtrise du noir et blanc.
Diaz Canalès et Pellejero ont vraiment su capter l'essence de la série d'origine et la retranscrire; merci à eux !