«Ô Déesse en nos bras si tendre et si petite,
Déesse au cœur de chair, plus faible encor que nous,
Aphrodite par qui toute Ève est Aphrodite
Et se fait adorer d'un homme à ses genoux,
Toi seule tu survis après le crépuscule
Des grands Olympiens submergés par la nuit.
Tout un monde a croulé sur le tombeau d'Hercule, Ô Beauté !
Tu reviens du passé qui s'enfuit.
Telle que tu naquis dans la lumière hellène
Tu soulèves la mer, tu rougis l'églantier,
L'univers tournoyant s'enivre à ton haleine
Et le sein d'une enfant te recueille en entier.
Telle que tu naquis des sens de Praxitèle
Toute amante est divine, et je doute, à ses yeux,
Si le Ciel te fait femme ou la fait immortelle,
Si tu descends vers l'homme ou renais pour les Dieux.»
Pierre Louÿs
«C'est comme si j'te dis: t'as des tongs et t'arrives pas à faire tes lacets. Allô! Non mais, allô quoi.»
Nabila
C'est dans les vieilles casseroles qu sont faites les meilleures soupes ou il est toujours bon de relire ses classiques, à chacun sa maxime. Nadja (la créatrice du célèbre livre jeunesse Le chien bleu) a choisi de remettre à l’honneur les mythes grecs en modernisant leur ton et sans toucher à leur fond. Aphrodite, le premier tome des Dieux de l’Olympe inaugure la nouvelle collection Les Ondines (Dupuis).
La mythologie antique prend le virage TV réalité.
Évidemment, l’autrice n’est pas la première à s’approprier ces récits fondateurs et à les appéter à sa sauce personnelle. Certains les égratignent au passage, d’autres en profitent pour les démonter ou les réinventer. Toujours est-il que la force primaire de ses légendes continue de défier les millénaires et de séduire et subjuguer les artistes de tous poils. Dans Aphrodite, Nadja a logiquement un peu simplifié les choses pour plus de légèreté et afin d’en faciliter l'approche. En échange, l’autrice a ajouté du piquant et de l’ironie avec une structure narrative lorgnant vers une certaine télévision voyeuriste et pimenté l’ensemble de dialogues sortant des réseaux sociaux. Et ça marche ! Contre tout attente, le résultat s’avère percutant et des plus contemporains. Pour cause, il existe peu de différences entre les caprices des dieux de l’Olympe et les improbables péripéties scriptées des « célébrités » instantanées qui hantent les ondes actuelles. Le traitement de choc sentant fort le Botox© et les crèmes miraculeuses se montre espiègle, dynamique et immensément drôle. D’hier à aujourd’hui, les doutes, les envies, les interrogations existentielles et les colères sont demeurés les mêmes, peu importe la dernière mode en vogue, sa clique ou l’âge de ses artères.
Sympathiques dessins à l’aquarelle, délicieusement naïfs ou maladroits suivant les goûts, mise en scène énergique allant au droit au but et un sens du rythme plus que certain, cette Aphrodite 2.0 est une réussite à tous les points de vue. Et puis, le recyclage, c’est tellement tendance.
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