A
près deux tomes de Contes ordinaires aussi angoissants qu’enthousiasmants, Ersin Karabulut revient avec le Journal inquiet d’Istanbul, ouvrage dans lequel il délaisse la fiction pour l’autobiographie. Le genre change, mais le cadre reste le même. Au-delà de la trajectoire personnelle de l’auteur, c’est bien la Turquie et la lente dérive autoritaire du régime de Recep Tayyip Erdoğan qui concentrent les regards et les inquiétudes. Vous pensiez que la vie de dessinateur de BD n’était pas facile en France ou en Belgique ? Attendez de voir ce qui se passe sur les rives du Bosphore !
L'existence du petit Ersin ressemble énormément à celles d’autres bédéastes également tombés dans une marmite pleine des petits miquets durant leur enfance. Lectures frénétiques de tous les illustrés possibles et imaginables (dont des stupéfiantes versions «augmentées» des Aventures de Tintin) accompagnées de séances de recopies et de gribouillages pas moins névrotiques lui donnent des bases et l’envie d’aller plus loin. Adolescent, il accepte à contrecœur d’entrer dans une école d’ingénieur pour faire plaisir à des parents peu ouverts à une carrière artistique. Après quelques semestres de torture, il s’échappe et, à force de ruses et de stratagèmes, il intègre finalement les Beaux-arts où il ne fera pas non plus de vieux os. En effet, à force de taper aux portes des différents magazines stambouliotes, il commence à placer des dessins. Malgré la promesse faite à son père de ne pas toucher à la politique, il trouve sa voie et le succès avec des petites histoires satiriques inspirées de son quotidien et de l'humeur de la ville.
S’attaquer et se moquer du pouvoir est amusant, nécessaire et bon pour la démocratie. Par contre, le faire dans un pays en train de devenir une dictature basée sur les principes de l’Islam n’est pas sans danger. En parallèle de ses petits tracas personnels (le boulot, les filles, etc.), Karabulut met en scène l’apparition, la montée, l’accession au sommet de l’État, puis l’emprise totale d’Erdoğan sur la Turquie. Les journaux commencent à disparaître, pas mal de journalistes aussi, tandis que les droits et les libertés de toutes et tous se délitent un peu plus jour après jour. Le constat est implacable et est raconté avec une précision qui fait froid dans le dos. Faisant fi des risques et d’une pression insupportable sur lui et les siens, il décide néanmoins de continuer son œuvre devenue à ses yeux mission de salut public.
Talent, dévouement et exemplarité, ce premier volume du Journal inquiet d’Istanbul est une lecture indispensable afin de mieux comprendre ce qui se passe dans cette contrée si proche de l’Europe et stratégique pour la paix mondiale.
Alors que l’auteur turc Ersin Karabulut était déjà à la tête d’une impressionnante production d’œuvres satiriques et de chroniques du quotidien en bande dessinée, connaissant le succès dans son pays natal, il n’en rêvait pas moins d’embrasser une carrière à la française. Après un premier album qui l’introduisit sur ce marché tant convoité, je découvre ici cet auteur en pleine maturité de son art, sur un premier tome de son autobiographique dessinée qui en comptera au minimum trois.
Un premier volume fort dense. L’enfance et la jeunesse d’Ersin plongées dans le chaudron bouillonnant d’Istanbul, la mégapole turque, où cohabitent dans un climat de tension permanente une population très conservatrice de la religion musulmane, et une autre, en parallèle, se rassemblant sur les aspirations aux libertés individuelles et à la vie à l’occidentale… Mais Ersin n’est pas né et ne vit pas dans un quartier respirant la tolérance, bien au contraire, malgré ses parents athées tous deux enseignants.
Dès le départ, en tant que lecteur, on étouffe avec lui de la chape de plomb que déverse l’obscurantisme environnant, puis des agressions physiques commises au gré des événements politiques. Comment Ersin pourra-t-il devenir ce dont il rêve depuis toujours : un dessinateur-caricaturiste, comme ceux qui illustrent les magazines qui le fascinent, lui apportant son évasion mentale hebdomadaire, et qui lui apprennent à résister ?
Le récit autobiographique d’un auteur de bande dessinée n’est évidemment pas une démarche artistique exceptionnelle. Mais ce qui rend le récit d’Ersin exceptionnel, justement, c’est le contexte géopolitique dans lequel il se situe : une société cruellement divisée dans des modes de vie opposés, basculant dans la violence au moindre coup de vent sociétal ou politique. Cela donne un tableau passionnant de la société turque et nous permet de la comprendre vu de l’extérieur. Les dessins sont adaptés à chaque situation : caricaturaux pour raconter l’enfance, réalistes quand il s’agit de politique, et rehaussés de couleurs pastel envoûtantes que l’auteur maîtrise à la perfection.
Recit réaliste jolies couleurs dessin sobre et realiste
La vie dans la.ville est bien retranscrite
La dualité des.choix est bien posée et pas trop simplifiée
Ersin Karabulut nous livre son parcours pour devenir illustrateur de BD. Il nous raconte son amour pour ce domaine, son travail acharné et son acharnement. Tout cela se déroule à Istanbul et à travers son récit nous découvrons aussi l'histoire d'une ville.
J'ai particulièrement aimé le scénario qui a su éveiller ma curiosité.
Esthétiquement, j'ai beaucoup aimé. J'ai aimé les traits et la façon particulière dont Ersin Karubulut croque ses personnages.
Cette BD n'est pas sans rappeler L'Arabe du Futur mais elle sait néanmoins se détacher de part son style graphique.