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l suffit d’en franchir le seuil pour que ce qui était… ne soit plus. Les Shayks sèment désormais la terreur et la mort au plus profond de Venise. Mais la Sérénissime n’est qu’une étape qui doit mener Lamia et Lynn, en Égypte, sur les traces du pharaon maudit…
Un peu plus d’un an après la Voleuse, le duo Desberg/Corboz livre la seconde partie des Rivières du passé où les protagonistes passent d’un monde à l’autre par une simple porte et profitent de l’un pour réaliser ce qui n’a pu être achevé dans l’autre. À la fois thriller à travers la quête de la sépulture d’un mystérieux vizir devenu pharaon, mais aussi récit de fantasy par le truchement d’univers parallèles, voire d’horreur par l’entremise des sanguinaires Shayks, les Rivières du passé prend pour toile de fond l’invention du monothéisme et la Damnatio memoriae qui frappa Akhenaton. Ce faisant, le scénariste de I.R.$ délivre un scénario hybride qui, finalement, révèle toute sa cohérence sous réserve d’accepter le mélange des genres.
Graphiquement, le dessinateur de L’assassin qu'elle mérite persiste et signe. Lamia s’inscrit dans la lignée de La voleuse, le trait est toujours omniprésent et le découpage, comme la couleur qui n’est pas sans évoquer Turner, s’essayent à de multiples variations de configurations et de tonalités, donnant ainsi à la lecture une dynamique et une lisibilité qui l’emportent définitivement sur une relative profusion graphique.
Lamia sait conclure élégamment un diptyque où se mêlent histoire des religions et fantasy. Le fait est assez singulier pour être mentionné !
"Les Rivières du Passé" est spécial dans son intrigue. Un plaisir de voir Corboz avec un trait laché et léger qui propose sur le diptyque quelque chose de très dynamique et convainquant. A vrai dire, c'est le dessin de Corboz qui est le plus réussi. Coté scénario avec Desberg, ça part rapidement dans tous les sens, avec des créatures macabres qui cherchent à massacrer la race humaine. Cependant, ces créatures venues d'ailleurs ne font pas vraiment écho à l'autre arc narratif sur Ay et son bijou. Les histoires s'entremellent sans vraiment une cohérence d'ensemble, ce qui laisse une série incomplète dans son propos et plutôt fade.
Un album un peu moins confus que le premier tome mais dans lequel il reste difficile de rentrer. Si le dessin de Yannick Corboz est toujours très beau, même mieux fignolé que sur le tome 1, on sent malgré tout que lui aussi a eu du mal le côté non structuré du scénario mis en place par Desberg. Car c'est bien là le gros problème de cette série : sur une base de bonnes idées, Desberg livre un scénario totalement éclaté, et même si ce second album retrouve un peu de linéarité par rapport au précédent, il reste encore trop imprécis, trop flou, pour permettre de se concentrer sur une histoire qui pourtant semble prometteuse.
Au final d'après moi, on a sur cette série un excellent dessinateur, de bonnes idées de base, mais un scénario confus qui perd le lecteur au lieu de le captiver. Un gâchis.