L
a guerre nucléaire de 2031 a laissé des traces indélébiles dans la société. Le conflit provoqué par Serena Jones, la fantasque présidente des USA, a été dévastateur à tous les niveaux. Millions de morts, infrastructures détruites et un système de valeur totalement pulvérisé ont été suivis par l’établissement du Protectorat, une dictature patriarcale basée sur la misogynie. Réduites en esclavage, les femmes ne sont plus que des objets purement utilitaires. Pas partout cependant. Retranchées dans un ancien parc d’attractions imprenable, le Thing, celles qui se font appeler les Walkyries ont créé un sanctuaire «idéal», sans homme évidemment. Tensions internes et externes, escarmouches et lois totalitaires, la vie en 2081 est dure, sanglante et profondément injuste.
Premier tome d’une série post-apocalyptique classique nourrie de l’humeur et des considérations d’aujourd’hui, Le Châtiment capte l’attention dès la première page pour ne plus la lâcher jusqu’au cliffhanger final. L’intrigue débute dans le Thing où la situation semble être plus stable qu’en face, chez les hommes. Cette impression est remise en question par Kahina, un des meilleurs éléments des Walkyries. La fière amazone doute de la sincérité et de l’efficacité de leur cheffe Sigrid. Il y a moyen de faire mieux et d’améliorer le sort de tout le monde. Il faut aller à la confrontation et découvrir si la rumeur concernant de l’existence de cités libres et égalitaires est fondée ! L’immobilisme et le statu quo ne sont pas acceptables et mèneront à la destruction de la communauté, clame-t-elle.
Désaccords, guérillas, lutte pour la survie, le scénario ne va pas par quatre chemins. Malgré un sous-texte sociétal, il s’agit bel et bien d’un véritable thriller ponctué de scènes de combat, de traîtrises et de coups de théâtre. Les informations indispensables (rappels historiques, présentation des forces en présence, etc.) sont habilement glissées dans une narration faisant la part belle à l’action pure. Sylvain Runberg et Anna Saveg ne perdent pas un instant et proposent un scénario glaçant finement construit et exécuté.
Belen Ortega illustre cette saga avec autorité. Son style largement typé comics intègre également une influence asiatique certaine. Celui-ci se montre parfaitement adapté pour dépeindre cet univers déconstruit et déchiré. Personnages aux regards acérés, costumes funky piochant dans toutes les modes et un talent certain afin de retranscrire les émotions fortes, les planches font mouche. Coup de chapeau au passage pour Amparo Crespo dont les couleurs ont su capter toute l’urgence et l’énergie du récit. Dommage toutefois que le découpage, parfois alambiqué ou sur-travaillé, ternisse un peu l’ensemble. La caméra virevolte un peu trop et a tendance à perdre le lecteur en cours de route.
Jérémiah, Y The Last Man et The Walking Dead en BD, Mad Max, The Postman ou The Omega Man au cinéma, il faut désormais compter avec Patriarchy. Les amateurs du genre seront certainement saisis par ce nouveau titre alliant originalité et respect des codes.
On est encore dans une société dominée par le patriarcat. Il faut dire que la successeur idéologique de Donald Trump a provoqué une véritable apocalypse nucléaire détruisant le monde en le renvoyant plusieurs centaines d'années en arrière.
On se dit alors que les femmes ne sont pas faites pour gouverner d'où cette terrible méfiance et surtout ce sérieux coup de bâton qui s'est abattu sur cette société post-apocalyptique où les femmes sont réduites en esclavage d'où une lutte sans pitié.
Pour autant, la part belle dans ce tome est réservée aux femmes qui telles des Valkyries combattent les hommes, s'en servent juste pour la reproduction de femelles, les mâles étant tous éliminés. J'avoue que je ne goûte guère à cet équilibre de la terreur sexiste.
Il faut également souligner que le dessin est très agréable à lire car il a facilité grandement l’immersion dans cet univers. Le dynamisme du trait et la réussite des décors y contribuent beaucoup.
En définitive, je trouve vraiment que c’est un récit assez intéressant qui démarre bien en posant les grandes bases de cette aventure sur fond de guerre de sexe. On nous dit que ce n'est que le début. On a hâte de voir la suite d'autant que l’auteur Sylvain Runberg est visiblement très à l'aise dans ces thèmes de science-fiction.