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u'ont en commun la Thawra, vaste mouvement de protestation au Liban, la lutte d'une favela brésilienne contre un projet immobilier et l'engagement d'une militante féministe au Bénin ? À chaque fois, il s'agit de combats citoyens contre diverses injustices. D'autres auraient pu être abordés, comme Occupy, les gilets jaunes ou les groupes d'aide aux sans-papiers, comme la plateforme d'hébergement des réfugiés en Belgique.
Ce qui frappe d'abord l'auteur, c'est cette multiplication de mobilisations partout dans le monde. Aussi différents que soient les contextes et les revendications, il prend vite conscience qu'il existe plusieurs dénominateurs communs, dont une défiance affirmée face aux classes dirigeantes, une organisation très fluide, sans leadership clairement identifié et des actions qui naissent d'une étincelle (une taxe sur les messages whatsapp au Liban, par exemple) mais se révèlent le symptôme d'un malaise profond au sein de la population.
Un autre point point de convergence apparaît très vite : l'omniprésence des femmes conjuguée, paradoxalement, à une sous-représentation, voire l'absence des hommes.
Si la Thawra libanaise représente un cas de figure où les femmes s'invitent auprès des hommes, dans le cas de Porto do Capim, aucun militant masculin n'est à recenser. Ils ont vite déserté le comité de soutien, devenu cent pour cent féminin .
Fabien Toulmé, qui joue habilement son rôle de candide, articule son livre autour de trois voyages, entrecoupés d'interludes qui lui permettent de s'interroger sur les racines et les interprétations sociologiques de ce dont il a été témoin. Ce sont ces pages qui se révèlent les plus intéressantes parce qu'elles mettent en évidence un véritable changement de paradigme dans l'organisation des luttes. Les explications avancées sont intéressantes. Elles abordent les causes qui ne peuvent pas se résumer un simple désaccord politique ponctuel. Il s'agit au contraire d'une prise de conscience sur le type de société que ces militants souhaitent. Plus étonnant encore, elles montrent à quel point certaines causes sont considérées comme "féminines" et d'autres "masculines". Si cela peut sembler absurde, dans les faits, force est de convenir que ce constat est loin d'être infondé.
Le sujet est très large et passionnant. Malheureusement, les parties de reportages prennent trop de place proportionnellement et auraient gagné à être raccourcies pour la fluidité de l'ensemble. Finalement, le véritable sujet ne concerne pas les tenants et les aboutissants de la condition de la femme au Bénin mais bien de multiplier les fenêtres pour capturer autant de reflets, si possible fidèles, d'un monde en lutte. Et, de ce puzzle, voir l'Humanité dans ce qu'elle peut avoir de plus combative et désireuse de meilleurs lendemains.
Fabien Toulmé est actuellement un auteur que j'apprécie suivre tant ses œuvres antérieures m'ont marqué : « Ce n'est pas toi que j'attendais », « Les deux vies de Baudouin » ou encore « L'odyssée d'Hakim ». Il arrive à nous sensibiliser sur différents sujets de société à travers des histoires réellement passionnantes.
En l’occurrence, on va partir à la découverte du monde à travers trois combats portés par des citoyennes. Il s'agit de décrypter trois résistances populaires des plus remarquables : une lutte citoyenne au Liban, le combat d'une favela brésilienne contre un projet immobilier et l'engagement d'une militante féministe au Bénin. Notons que les femmes tiendront un rôle central puisque c'est elles qui mèneront la lutte.
J'ai toujours eu de l'admiration pour les gens qui essayent de faire changer les choses de manière pacifiste et positive pour le plus grand bien de l'humanité. Il s'agit de lutter pour la justice sociale et contre les inégalités. Il est vrai que c'est plus difficile dans des pays qui ne connaissent pas la démocratie et qui répriment toute opposition. La mobilisation a souvent un coût.
On commence par le Liban, ce pays qui fut autrefois un protectorat français et qui est devenu indépendant depuis 1943 le laissant en proie à des rivalités internes très fortes entre les factions chrétiennes et les musulmans. L'instauration d'une taxe sur whatsapp pour renflouer les caisses de l'Etat a mis le feu aux poudres comme ce fut d'ailleurs le cas en France avec les gilets jaunes et la taxe sur le carburant. C'est l'accumulation de toutes les frustrations pour le peuple qui fait que cela éclate.
Oui, partout dans le monde, les pauvres gens en ont marre de payer pour une classe politique grassement payée et qui profite allègrement du système. A noter le mémorable discours méprisant du président Michel Aoun qui a mis de l'huile sur le feu.
Malheureusement, le mouvement de la Thawra s'est essoufflé laissant place à la résignation et le pays a été plongé dans une grave crise économique sans précédent où manger devient un luxe. Cependant, même en cas d'échec, cela fait bouger les lignes même assez subtilement et surtout, cela laisse des traces à plus ou moins long terme.
On continue par le Brésil des favelas à l'occasion d'un programme de réhabilitation d'un centre-ville où il faut expulser des gens d'une communauté. Le processus de gentrification qui permet une amélioration des conditions de vie se fait souvent au détriment des plus pauvres. Derrière les beaux discours politiques se cachent une autre réalité pas très reluisante. Il y a un combat de femmes qui ont une vision plus collective des choses loin des intérêts individuels. Elles proposent une autre alternative moins destructrice et plus respectueuse de l'environnement local. Le projet est pour l'instant suspendu à un recours juridique.
Enfin, le troisième voyage mène notre auteur en Afrique et plus précisément au Bénin, un pays qui arrive en 158ème position sur 189 dans le dernier classement des inégalités hommes-femmes établi par les Nations-Unis. Il y a une véritable problématique des grossesses précoces qui poussent les jeunes filles à quitter l'école très jeune et qui sont par conséquent un frein à leur autonomisation.
Il faut dire que les garçons sont éduqués à être des chefs et à faire ce qu'ils veulent des femmes une fois mariés. C'est donc par l'éducation à l'école que se fait la lutte à coup de sensibilisation pour changer la mentalité de la société béninoise axée sur la tradition africaine. Il s'agit d'évoluer et non d'effacer la culture béninoise. Le droit des femmes gagne tout doucement du terrain et c'est encourageant.
En conclusion, je dirai que l'auteur a du talent, c'est incontestable car il arrive avec des mots simples à nous faire comprendre des situations plutôt complexes qui échapperaient à la compréhension populaire. Cela apporte des éclaircissements plutôt notables. Pn voit également qu'il ne juge pas et qu'il essaye de rester neutre même s'il est parfois admiratif de ces femmes qui combattent pour des causes justes.
J'aime beaucoup le dessin qui fait dans la lisibilité et qui me semble être très réussi techniquement. Il est très agréable à regarder dans une ligne claire semi-réaliste. A noter une narration toujours aussi fluide qui concourt à cette nouvelle réussite.
C'est encore le genre de BD profondément humaine à mettre entre toutes les mains.
Ce nouvel opus de Fabien Toulmé nous plonge dans un monde en lutte. En effet, l'auteur va nous mener dans trois luttes qui ont court dans le monde. Ainsi, nous découvrons une révolution au Liban, une lutte dans des favelas du Brésil et une militante féministe du Bénin. Des sujets divers qui vont passer à travers le regard de Fabien Toulmé. Ainsi, il va nous exposer des faits et des personnes extraordinaires qui luttent pour leurs idées. L'auteur a également ce talent pour exposer des situations et à poser un regard humain sur les gens.
L'esthétique reste épurée, simple et efficace. J'aime le choix que fait Fabien Toulmé au sujet de l'utilisation des couleurs. Chaque environnement a sa propre ambiance.
J'aime terriblement le travail de Fabien Toulmé, ainsi que le regard qu'il porte sur le monde. Sa bienveillance fait vraiment du bien.