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Les frères Rubinstein 4. Les fils de Sion

01/07/2022 2855 visiteurs 8.0/10 (1 note)

I l existe deux grandes catégories de reconstitutions historiques. Certaines s'attachent à raconter les grands événements et mettre en scène ceux qui la font. D'autres préfèrent s'insinuer dans les interstices de l'Histoire pour se concentrer sur des anonymes qui la subissent plus qu'ils ne la façonnent.

Les Frères Rubinstein s'inscrit clairement dans cette seconde tendance. Moshé et Salomon tentent de tirer leur épingle du jeu dans un monde troublé, dans lequel ils partent avec les pires cartes possibles. Juifs et pauvres, ils se retrouvent confrontés à l'antisémitisme décomplexé et doivent se battre plus que les autres pour espérer s'en sortir. Mais être des sans-grades n'interdit pas de rêver. La route est semée d'embuches. Cela ne les arrête pas.

Au début de ce quatrième tome, la roue semble enfin tourner. La première du film Une enfance volée est un triomphe. Inspiré des années d'enfer vécues par l'aîné de la fratrie dans les bagnes agricoles français, le long-métrage est promis à un grand succès. Il devient malheureusement un enjeu politique qui dépasse celui que se fait désormais appeler Sal Rubin. Il est contraint par son producteur d'entamer une tournée promotionnelle en France, où il reste recherché. Il est vite confronté aux ombres de son passé. Quant au cadet, il a pu entrer à Harvard et découvre la cause sioniste. Il reste bien naïf sur les petits arrangements qui lui ont permis d'intégrer la prestigieuse institution. Il ne tarde pas à être ramené à la réalité, de la plus brutale des manières.

En parallèle, les auteurs continuent de suivre, quelques années plus tard, le calvaire de ce dernier dans le camp d'extermination de Sobibor, alors que la défaite se profile pour le Reich.

Fiction d'inspiration personnelle portée par Luc Brunschwig, cette fresque annoncée en neuf tomes confirme les promesses posées dès le premier tome. Bande dessinée populaire au sens le plus noble du terme, elle se distingue par le grand soin accordé aux personnages, particulièrement attachants malgré, ou grâce, à leurs défauts et leurs faiblesses. Le mélange de la grande et la petite histoire est très équilibré et les transitions entre les époques sont toujours bien négociées. Lorsqu'un scénario aussi maîtrisé et réussi est servi par l'excellent Etienne le Roux et la mise en couleur toute en nuances d'Elvire De Cock, il ne reste pas grand-chose à ajouter, si ce n'est qu'il s'agit d'une des meilleures séries de ces dernières années.

Par T. Cauvin
Moyenne des chroniqueurs
8.0

Informations sur l'album

Les frères Rubinstein
4. Les fils de Sion

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L'avis des visiteurs

    Saigneurdeguerre Le 03/06/2022 à 22:55:39

    Chinese Theatre. Hollywood. Janvier 1936.

    C’est le jour de vérité pour Salomon Rubinstein, pardon, je voulais parler de Monsieur Sal Rubin, le scénariste de la dernière superproduction des studios Warner, « Une Enfance volée », basée sur le récit de sa propre vie…
    Bien entendu, à côté du débrouillard de la famille se trouve son frère adoré pour qui Salomon ferait tout, le binoclard intellectuel, Moïse…
    Un Moïse que l’on retrouve en 1943 dans le camp de concentration de Sobibor où il ne doit sa survie qu’à ses talents de coiffeur. Mais pour combien de temps encore alors que l’avance de l’armée soviétique pousse les SS à effacer au mieux les traces de leurs innommables forfaits, ce qui sous-entend qu’il ne faut pas laisser de témoins…

    Critique :

    Apprêtez-vous à faire du yoyo à la lecture de cet album : vous allez sans arrêt passer de 1936 à 1943, des USA à la France et à la Pologne. Heureusement, l’excellente mise en couleurs d’Elvire De Cock aide à s’y retrouver dans les deux époques.
    Bien qu’étant une fiction, le scénario de cette fabuleuse BD dû à Luc Brunschwig, repose sur l’histoire de l’Entre-Deux Guerres et de la Seconde Guerre mondiale, en particulier pour ce qui touche au sort des juifs. Si celui qui touche ce peuple durant la Deuxième Guerre mondiale est plutôt connu, il n’en va pas de même pour les multiples discriminations qui les frappaient jusque dans les Etats-Unis d’Amérique où, par exemple, ils ne pouvaient dépasser un quota dans les universités, et encore, il convenait souvent de « faire un geste » en faveur de l’université pour pouvoir y entrer. Remarquez que le sort des Afro-américains était encore bien moins enviable dans un pays fier de sa démocratie… plutôt réservée aux WASP.
    L’ouvrage aborde aussi la question des bagnes agricoles français où étaient envoyés des enfants et des adolescents « pour apprendre un métier honnête qui va leur permettre de gagner leur vie »… Où les éducateurs et enseignants, en très petit nombre, étaient peu à peu remplacés par des gardiens de prison ou de bagnes qui leur faisaient subir de terribles traitements en plus du fait d’être mal nourris et mal soignés. Pas joli-joli pour la fière patrie des Droits de l’Homme, Liberté, Egalité, Fraternité et tout et tout… Je vous recommande l’article de Wikipédia : Colonies Agricoles - Pénitentiaires - Les Bagnes pour Enfants.

    Une large part de l’ouvrage est consacrée aux nombreux juifs, venus essentiellement d’Europe centrale, qui ont fait d’Hollywood la plaque tournante du cinéma mondial. Et pour ceux qui s’imaginent que cette bande dessinée est une œuvre de propagande juive, je leur conseille de bien lire les parties où intervient un monsieur Warner (oui, de la Warner Bros, Bros signifiant « brothers », puisque créée par les quatre frères Warner).
    Bien entendu, je vous déconseille de lire ce 4e tome si vous n’avez pas lu les trois précédents ! Vous n’allez pas y comprendre grand-chose… Et ce serait vraiment dommage pour cette fabuleuse série qui vous apprendra bien des choses et vous fera réfléchir tout en vous distrayant… Encore que ce dernier mot ne me semble pas du tout approprié pour une BD où l’on traite largement du camp de concentration/extermination de Sobibor…