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adis, les hommes avaient fait des robots leurs serviteurs. C'était ainsi et Iséa, une demoiselle insouciante et rêveuse, s'en accommodait très bien, préférant largement la compagnie de Debry, sa nounou mécanique, à celle de sa mère. C'était aussi grâce aux échanges avec Tal, son amie virtuelle, et à l'histoire bouleversante de Cyrano de Bergerac qu'elle aimait s'évader d'un quotidien devenu fade. C'était hier, car aujourd'hui elle vient d'apprendre qu'elle ne reverra plus jamais Debry !
« Quand on est triste, il faut regarder la beauté du monde »
Caroline Roque et Bertrand Escaich forment le tandem baptisé « Beka ». Sous ce pseudonyme se cachent un nombre conséquent d'albums, pour la plupart humoristiques. Associé à José Luis Munuera (Les Potamoks, Les Campbell), ensemble ils créent Les Cœurs de Ferraille, un conte qui fleure bon la poésie et qui inquiète par son aspect dramatique. Le rétrofuturisme, à l'orée du style « steampunck », sert de courant et de fond d'écran à un récit et une trame qui s'emparent rapidement de l'esprit et saisissent l'intérêt du lecteur. Il y est aussi question de ségrégation raciale à travers l'esclavagisme, des relations mère-fille, d'amour et quantité de petites idées décalées qui surprennent par leur originalité. Cette entrée en matière parvient à livrer une fin à part entière, est, à l'image de son intitulé, particulièrement robuste. De plus, et en malins, les auteurs parviennent, sur de judicieuses transitions et sans nuire au rythme soutenu, à effectuer un parallèle entre l'œuvre d'Edmond Rostand et la vie de la jeune héroïne. Au final, le large éventail du propos permet d'aller du rire à l'angoisse en passant par l'émotion, et ce, en l'espace de quelques planches seulement.
Les machines robotisées doivent-elles être nécessairement détaillées et sophistiquées pour renvoyer une photographie crédible ? Le dessin de Munuera démontre que l'œil peut aisément s'en priver. Sous son coup de crayon, les grandes silhouettes basiques prennent vie, tout juste recouvertes d'un vêtement pour cacher leur nudité métallique et leur permettre de se confondre avec l'espèce humaine. De toute façon, ils n'ont pas bien le choix. Faut bien leur obéir, non ?
Avec des composants réels et des ingrédients issus de l'imaginaire, tous bien ancrés dans un décor atypique, Debry, Cyrano et moi bouscule considérablement les standards de lecture, apportant au genre, un grand souffle de fraicheur.
José Luis Munuera promène son talent cartoonesque sur la BD franco-belge depuis maintenant trente ans en compagnie de Joan Sfar, et JD Morvan, ayant endossé l’immense responsabilité de reprendre Spirou sur quatre albums après l’indépassable ère Tom&Janry. Depuis quelques années il semble s’orienter vers une esthétique rétro, adaptant des classiques de la littérature (Bartleby de Melville puis cette année Un chant de Noël de Dickens) avec une esthétique plus réaliste. A la manière d’un Umberto Ramos l’auteur semble tiraillé entre des racines cartoon marquées et une envie de textures et d’histoires plus sombres.
Avec un deuxième album cette année, il s’engage sur une anthologie d’histoires one-shot sur le thème des robots dans une ambiance rétro-futuriste en compagnie du duo de scénaristes BéKa. Outre la qualité indéniable des dessins (et des couleurs/textures) c’est l’analogie entre ce monde classique habité de technologies poussées et les Etats-Unis esclavagistes du début du vingtième siècle qui intéresse. En transformant les esclaves noirs en robots les auteurs parlent subtilement des problématiques d’alors, de cette proximité avec des serviteurs et nourrices de l’autre couleur, considérés dans la famille mais pas dans la société, de ces réseaux d’esclaves en fuite, des collaborateurs noirs qui virent dans le service aux maitres un moindre mal à leur condition, mais aussi de thématiques plus modernes comme la place des femmes ou l’émancipation par la culture et l’imaginaire.
Au sortir de cette histoire simple de poursuite on a le sentiment d’avoir passé un agréable moment sur un travail solide bien qu’il manque sans doute un peu d’ambition, notamment dans la justification du thème SF. Il faudra voir après plusieurs albums si la série permet de donner un intérêt plus large sur des albums dont la tonalité jeunesse peut se discuter. En attendant on savoure une intelligente parabole et des planches si agréables.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/01/08/les-coeurs-de-ferraille-1-debry-cyrano-et-moi/
Forcément, s’il y a Munuera, j’aime, c’est plus fort que moi.
Pour autant, indépendamment des dessins magnifiques à mon goût, l’histoire en elle-même se tient.
Un peu simpliste au début, disons la première moitié, elle prend de l’épaisseur au fur et à mesure, avec quelques révélations qui arrivent par petites gouttes et qui lient tout ce qui a été posé au début…
Quelques idées sympas, beaucoup de dynamisme, des références à Cyrano que j’adore aussi ; un bon moment.
J'ai adoré découvrir le scénario de ce premier tome qui plante le décor pour un futur deuxième tome.
Dans ce tout premier opus, nous découvrons Isea une petite fille méprisée par sa mère et dont la seule amie et son robot nounou. Mais, lorsque cette dernière disparaît, la petite fille décidé de partir à sa recherche. Ainsi, à travers sa quête, le lecteur découvre un autre univers et se retrouve confronté à de vraies questions de société.
Le seul bémol de cette BD serait qu'elle est bien trop courte car aux dernières pages, le lecteur a envie de continuer l'aventure.
Esthétiquement, j'ai été séduite par les traits fins, les détails et les couleurs qui confèrent une ambiance particulière à l'ensemble.
La variété des thèmes abordés dans ce premier tome ainsi que la poésie qui ressort aussi bien du dessin que du texte ( merci monsieur Rostand) mon plus que ravi et j attendrai la suite avec grande impatience. Mais surtout, c est un album a mettre entre toutes les mains et j ai hâte de le faire découvrir à mes neveux et nièces. Une très belle découverte
Chez mon libraire, cette bd était du côté jeunesse, et bien je suis bien heureux de lire de la bd jeunesse!
Super scénario, une belle émotion se diffuse du début jusqu'à la fin.
Un amour sincère qui nous rappelle qu'on ne choisit pas non plus les trottoirs de manille....
De jolie clins d'oeil à l'histoire de la communauté africaines-américaines au début du 20ièmes siècles.
Une belle manière de dénoncer l'exploitation mais de prôner l'amour!
Bref une belle pépite. Je ne mets pas 5 étoiles car ce n'est pas un oneshot... on ne sait pas ce que l'avenir nous réserve... mais c'est un superbe démarrage.