I
vres de vengeance, les anciens marins du Golden Licorn touchent au but et abordent enfin la mystérieuse île-baleine. Ils n’ont qu’un seul objectif en tête : lui faire payer le prix du sang. Dans leur sillage, John Greyford et le lieutenant O’Bryan découvrent ébahis les pouvoirs d’Aquarica alors que la jeune fille a pris le contrôle du crabe géant dans lequel ils filent à travers les flots. Reste à savoir comment la bête fantastique réagira face à cette agitation si peu naturelle…
Sortie attendue depuis 2017, la parution de La baleine géante est évidemment accompagnée d’une grande émotion. Imaginé au départ comme une collaboration entre deux amis, Aquarica est devenu du fait de la disparition prématurée de Benoît Sokal, une histoire hommage et testamentaire. Par respect pour son copain d’étude et en raison de leur amour commun de la BD, François Schuiten a décidé de reprendre les pinceaux pour achever cette incroyable fable aquatique. Merci à lui et, surtout, merci Benoît. Personne n’oubliera Canardo, Raspoutine, Clara et tes autres créations.
L’action de Roodhaven se déroulait à terre et avait posé un nombre de questions conséquent. Ce second tome, totalement marin, apporte des réponses et une conclusion à grand spectacle. Visuellement très fort et doté d’un discours environnemental vigoureux - la comparaison avec le Avatar de James Cameron est tentante -, l’album remplit toutes ses promesses. L’opposition entre la violence des hommes et la puissance inéluctable des forces de la nature est implacable. Mieux encore, plutôt que de ressasser une énième leçon sur l’importance de la préservation, les auteurs ont préféré laisser parler la poésie et les sentiments. Le climat change, les réalités aussi, n’oublions simplement pas que nous ne sommes que des minuscules grains de sable sur une plage balayée par des marées dictées par les planètes.
Onctueuses et colorées, les illustrations se montrent à la hauteur du propos. Tant Sokal que Schuiten pour quelques pages offrent un récital de très haut niveau. Tempêtes, embruns, instantanés fugaces d’un paradis qui se flétrit, marins burinés et vahinés éthérées, les images et le scénario ne font qu’un. À la fois désuètes et intemporelles, ces planches se détaillent autant qu’elles se lisent.
Beaucoup de tristesse et énormément de plaisir aussi, La baleine géante marque la fin de deux aventures, celle d’Aquarica, un des plus beaux contes de ces dernières années et celle d’un homme et artiste aux multiples talents. Bon vent et farewell Benoît Sokal.
Le tome 1 m'avait paru prometteur. J'ai longtemps attendu le tome 2, j'ai eu peur qu'il ne sorte jamais bien sûr, je l'ai enfin savouré, et j'ai été rassuré, il s'agit bien d'un excellent récit, de ceux qu'on n'oublie pas, qu'on garde dans un coin de sa mémoire. Merci à Schuitten d'avoir finalisé le projet.
Mais parlons d'autre chose.
Certains ont dit que Benoit Sokal était mort. Mais ses livres sont parlants pour qui sait lire entre les lignes. Il est juste parti voir qui habite le plus près, les Baleines Géantes ou les Grands Oiseaux Blancs.
Sokal nous a dépeints, nous humains, égratignés parfois avec Canardo. Il nous a appelé à respecter le monde autour avec Kraa, nous a émerveillés avec Syberia ou l'Amerzone, nous fait encore rêver avec Aquarica. Sokal est juste parti à son tour explorer, au paradis des auteurs.
Merci à François Schuiten d'avoir continué seul cette magnifique histoire qu'il avait commencée avec son "copain de classe" (chez Renard, à l atelier R), le regretté Benoit Sokal. Bien que pas encore paru, cet opus ne pourra être que superbe. Chapeau