L
es temps sont difficiles dans le Grand Duché depuis que l’Empire du Nord occupe le pays. Les soldats patrouillent et surveillent les faits et gestes de tout le monde. C’est pour votre bien et votre sécurité, clament-ils. Soyez vigilants, la racaille magique traîne encore et fait peser une menace intolérable. Peut-être qu’ils ont raison finalement, allez savoir. La situation n’était-elle pas meilleure avant, quand fées et djinns ne se faisaient pas remarquer ?
Certains auteurs choisissent l’uchronie ou l’anticipation pour exprimer leurs peurs face aux dérives de la société, Edoardo Natalini a préféré la fantasy dans Saint Arcane. Des méchants tendance totalitaire, une population pacifique dépourvue face à la violence et un bouc émissaire subissant toutes les avanies, la recette est connue et tragiquement universelle. Le scénariste ne s’est heureusement pas arrêté à ce simple postulat. En bon conteur, il a élargi son propos et a imaginé une véritable saga où les destins se révèlent et se forgent à force d’affronter épreuves et rebuffades. Une distribution haute en couleurs, beaucoup de gouaille et un sens de la répartie affûté, le scénario fonce à cent à l’heure sans s’essouffler un instant. De plus, comme il a choisi de laisser le lecteur dans l’ignorance, celui-ci suit ces péripéties à hauteur de héros, attendez-vous à être secoué et étonné.
Visuellement, Natalini propose un mélange des genres façon mondialisation du petit miquet. Le découpage et la narration sentent bon le manga et une partie des personnages semblent sortir d’un album d’Osamu Tezuka ou d’Akira Toriyama. Dans le même temps, l’ombre et la rondeur de Disney ne sont jamais loin. Comprenne qui pourra. Par contre, si ces références sont bel et bien présentes, elles s’avèrent totalement assumées. L’artiste n’en fait qu’à sa tête et son univers graphique se montre parfaitement en place. Très impressionnante, l’ambiance sombre et inquiétante est à relever. Malgré un ton léger et une certaine bonhommie, le dessinateur réussit à poser une véritable atmosphère délétère remplie de peur. Bravo pour ce joli tour de force narratif.
Sous ses allures sympathiques et faussement gentillette, Saint Arcane cache en fait un récit âpre, assez violent et, il faut l’avouer, complètement addictif. Vivement la suite !
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