L
a narration séquentielle est faite, par définition, d’une succession d’images servant à décrire une action. L’art de l’auteur est de trouver la meilleure manière afin de montrer ce qu’il veut raconter. Pour arriver à ses fins, il dispose d’une infinité de possibilités : angle de vue (plongée, contre-plongée), cadrage (plan large, gros plan), ajouts de détails ou, à l’inverse, omission d’éléments (le hors-cadre), zoom, travelling, etc. Armé de tous ces outils, le dessinateur n’a qu’un but en tête : captiver le lecteur en le guidant à travers le scénario. Ça a l’air facile ? C’est également un des buts profonds de la démarche, il faut que la lecture glisse naturellement sans que rien ne paraisse forcé.
Illustrateur, enseignant et ancien membre du Studio Hergé, Bruno Cassiers décrypte les différents choix du plus célèbre des bédéistes dans Les secrets d’Hergé dessinateur. À raison d’un «truc» par chapitre, il dresse une liste d’exemples tirés des albums de Tintin. Cela peut être une case ou une séquence, peu importe, l’important est de mettre le doigt sur l’option visuelle choisie par le maître.
Sur le fond, cet ouvrage évidemment éminemment technique s’avère des plus parlants. Il permet de déceler et de mieux comprendre la mécanique fine qui se cache derrière tel ou tel épisode pourtant déjà lu mille fois. Par contre, handicapé par le fait que Cassiers n’a pas eu le droit d’utiliser des vignettes originales (Moulinsart© veille au grain) et reposant principalement sur l’observation et que très rarement sur l’analyse, l’essai reste quasiment purement descriptif. Certes, Hergé a préféré jouer sur la profondeur de champ dans la case B3 de la page 6 des Cigares du Pharaon. Pourquoi ? N’y aurait-il pas eu une autre solution ? Est-ce que des influences extérieures (cinéma, affiche, peinture) ont pu jouer ? Sauf pour quelques timides tentatives de contextualisation données en toute fin du livre, rien de réellement probant n’est vraiment amené dans la discussion. Dommage.
Les tintinolâtres démontrent une fois de plus que tout n’a pas encore été dit à propos des Aventures de Tintin. Les secrets d’Hergé dessinateur (titre un peu trompeur au demeurant) offre une originale et intéressante leçon de composition d’images, quoique limitée par une thématique exclusive et une iconographie purement schématique et trop codifiée.
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