L
e 4 mai 1897, les flammes rasent le Bazar de la charité. En quelques heures, plus de cent vingt personnes décèdent, d'autres sont défigurées. Paris n'a pas oublié le malheureux fait divers, probablement parce que l'œuvre de bienfaisance était animée par le gratin de la capitale. C’était l'endroit où être vu et nouer des relations, d’où d’âpres luttes pour obtenir la charge de l’une des vingt tables.
Au-delà d’un épisode funeste, La part des flammes raconte un milieu social et une époque à travers l’histoire de Constance d'Alençon. Celle qui hésitait entre le voile de la religieuse et celui de la mariée devra dorénavant composer avec un visage altéré. Son fiancé, journaliste et riche héritier, est quant à lui accusé d'avoir sauvé sa peau au mépris de celles des autres. En fait, l’événement a un impact significatif sur toute la haute société parisienne.
Dans son adaptation du roman de Gaëlle Nohant, Didier Quella Guyot présente une héroïne condamnée à passer sa vie dans des cages dorées : famille, religion, bientôt mariage, puis clinique, puisqu'elle souffre, paraît-il, d'hystérie. En cela le récit peut-être compris comme une réflexion sur la condition féminine. Les personnages les plus forts de cette aventure demeurent du reste les femmes et ce sont elles qui permettent à la protagoniste de s’évader de sa prison médicale ; cela dit, dans ce scénario, les principales figures de l’oppression, à savoir le couvent et le matriarcat, sont du même sexe.
Le feu se veut destructeur, mais il peut aussi évoquer la purification et le renouveau. Le sinistre coïncide d’ailleurs avec le début d’un temps nouveau. Le siècle à venir s’affirmera comme celui de l’émancipation des dames, tout comme il favorisera davantage d’égalité socioéconomique.
Wyllow propose un dessin réaliste un peu froid et le lecteur a du mal à lire les émotions des acteurs alors que leurs traits apparaissent étrangement lisses. Les victimes conservent leur beauté, leurs cicatrices sont pudiquement signalées par de petits picots rouges. Il en va de même des décors, eux aussi très propres, y compris quand un bâtiment vient d'être ravagé.
Une époque, vue à travers la lorgnette des préoccupations et de la superficialité des nantis.
Le grand bazar de la charité fut une horrible tragédie qui fit plus de 120 victimes en mai 1897 surtout parmi les généreux donateurs de la bourgeoisie parisienne. C'est un peu comme si ceux qui aidaient les migrants disparaissaient brutalement en masse dans le naufrage d'un navire pour donner dans la comparaison.
Ce drame met également en lumière les dommages collatéraux qui ne sont guère évoqué à savoir les brûlures qu'ont dû subir les femmes aristocrates survivantes. Certaines ont terminés à l'abri des regards dans un asile. C'est tout le sujet de cette BD qui met en scène deux héroïnes survivantes dont on va particulièrement s'intéresser.
On pourra également regretter l'exploitation de cette tragédie par les médias de l'époque qui n'ont pas hésité à en rajouter. On apprendra que non, les hommes n'ont pas piétiné les femmes pour sortir des flammes. Certains furent d'ailleurs injustement accusés ce que nous verrons également dans cette œuvre.
A noter que ce récit est tiré d'un roman de Gaëlle Nohant. Il est scénarisé par Quella-Guyot de manière tout à fait respectable. On pourra également souligner le trait du dessin de Wyllow avec ce côté réaliste et élégant que j'affectionne particulièrement. Bref, c'est joliment mis en image.
J'avoue néanmoins que vers la fin, je me suis un peu perdu dans les méandres de ce récit qui va sur le terrain du secret de famille dans une société où les femmes sont mises de côté.
Pour autant, dans l'ensemble, c'est une lecture qui apportera sans doute des précisions utiles sur la condition féminine à la fin du XIXème siècle dans notre pays. Il s'agira de ne pas confondre la part des femmes avec la part des flammes car ce n'est pas la même chose.
La part des flammes, c’est un mélo avec pour toile de fond le terrible incendie du bazar de la charité, qui bouleversa le Paris de la fin du XIXe siècle. Malheureusement l’album souffre d’un scénario (une adaptation de roman) faiblard et de dialogues assez plats. Du côté des dessins ce n’est pas mieux. Des personnages qui se ressemblent un peu trop et que l’on confond et des scènes d’action qui manquent de dynamisme. C’est dommage, on devine qu’il y avait mieux à faire avec cette histoire.