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n 2018, le prix Pulitzer distingue pour la première fois un reportage dessiné: Welcome to the new world, de Jake Halpern et Michael Sloan, publié dans le prestigieux New York Times. Il convient malgré tout de préciser qu'il fut primé dans la catégorie du dessin de presse et non comme un travail journalistique, ce qu'il est indubitablement.
Lorsqu'une potentielle victoire de Donald Trump ne relève plus de la mauvaise blague, une vague de panique submerge la famille Aldabaan. Après avoir fui la Syrie, ils se réfugient en Jordanie, mais ils savent qu'ils n'y sont pas encore à l'abri. Ils ont fait une demande de visa pour les Etats Unis. Certains ont reçu le précieux sésame. D'autres patientent encore. La peur du Muslim Ban promis par le candidat républicain fait craindre le pire. Ibrahim et Issa décident de partir tout de suite, sans attendre. Leur mère refuse de bouger tant que tous ses enfants n'ont pas obtenu les papiers nécessaires. C'est un déchirement de plus. Mais il faut s'y résoudre, discrètement, pour éviter de se faire racketter par les milices.
Ils posent le pied sur le sol américain en plein hiver new-yorkais. Ils parlent à peine anglais, n'ont pas d'argent et ne connaissent rien de leur réalité. Il faut apprendre la langue, s'intégrer à l'école, trouver un travail, se dépêtrer des méandres de l'administration. Autant d'obstacles qu'il faut surmonter, avec l'aide de bénévoles qui, malgré leur bonne volonté, ont parfois du mal à comprendre les vrais besoins de ces gens perdus dans un monde trop grand et trop différent. De plus, tous ne sont pas aussi bienveillants à leur égard et les exilés sont vite confrontés au racisme.
Sur le papier, le projet est très intéressant. Il est le résultat de trois années d'enquête et de discussions. Il apporte un éclairage inédit sur le parcours des réfugiés lorsqu'ils entament leur nouvelle vie. Malheureusement, le traitement passe complètement à côté de l'enjeu. Graphiquement, Michael Sloan opte pour un style simple et efficace. Sa mise en scène est parfois maladroite, mais il s'agit là d'une conséquence directe du scénario. En effet, c'est au niveau de la narration que ce roman graphique manque le coche. Sans doute, Jake Halpern, s'est-il retrouvé face à une montagne de matériel qui a nécessité un énorme travail de consolidation. Il aborde à peu près tous les sujets importants, mais semble en peine de faire passer toutes les informations qu'il voulait. Cela donne des passages ramassés qui condensent en trois cases des situations qui ont duré des semaines, quitte à les rendre difficilement compréhensibles. Le scénario use et abuse aussi des bulles de pensées qui sonnent comme la bonne conscience des personnages. Le ton frise le paternalisme accidentel à plus d'une occasion. C'est d'autant plus gênant que la sincérité des auteurs ne fait aucun doute. Ils ont visiblement été dépassés par la masse de documents qu'ils avaient à disposition. Ils n'ont réussi qu'à en faire un ouvrage certainement digne bien qu'il soit surtout écrasé par le poids de la volonté de bien faire et de ne rien oublier.
On va faire la connaissance d'une famille de syriens réfugiés en Jordanie depuis 4 ans suite à la guerre civile qui s'est emparée du pays de Bachar El Assad. On sait que ce sinistre dictateur a massacré son peuple avec l'aide d'un autre despote plus puissant afin de conserver son pouvoir et de balayer la révolution voulant instaurer plus de libertés.
Les Aldabaan vont immigrer aux États-Unis dans une petite ville avec leurs cinq enfants.
Certes, ils n'ont plus à craindre les bombardements et les affres de la guerre. Cependant, ils sont assez marqués par le passé et ont peur quand ils reçoivent une menace de mort provenant d'un raciste haineux. J'ai trouvé parfois leurs réactions assez disproportionnées mais on ne peut se mettre à leur place. Cette famille a été marqué par la violence qu'ils ont subie dans leur pays. La vue d'une voiture de police les effraie plus qu'autre chose.
Ils vont essayer de se reconstruire dans un quotidien plus serein mais cela ne sera pas aussi facile surtout quand on ne maîtrise pas la langue et qu'il y a des adaptations nécessaires à effectuer. Fort heureusement, ils seront accompagnés par des bénévoles qui vont les aider dans leurs démarches. On voit l'utilité de ces associations qui font dans l'humanitaire et la solidarité.
J'aime bien ce genre d'histoire vraie qui souligne qu'il n'est jamais bon d'être un immigré et de perdre ses racines. Pour autant, il s'agit de vivre en paix et en sécurité pour sa famille. Il faut s'adapter à la nouvelle culture et aux nouvelles normes de société. On peut comprendre ce qui pousse des personnes à tout quitter pour trouver la liberté. Mais bon, elle est parfois chèrement acquise.
C'est tiré d'une enquête du New York Times qui a bénéficié quand même d'un prix Pulitzer.
En effet, l'auteur Jake Halpern est membre de Morse College à Yale où il enseigne un séminaire sur le journalisme. Il a suivi pendant trois ans une famille de réfugiés syriens. On aura des nouvelles de la poursuite de leur vie américaine en fin de roman graphique.
Au final, un témoignage intéressant car authentique qui s'ajoute à ce difficile thème de société.