L
e bon mot et les aphorismes sont deux composantes majeures de l’esprit français. De Beaumarchais à Fabcaro en passant par Alphonse Allais, Sacha Guitry et Pierre Dac, la saillie judicieusement placée et la réflexion absurde ou désabusée cinglent, moquent et assassinent dans les salons et les revues. Également bien présent en bande dessinée, en strip ou illustration en une case, ce type d’humour fait la fortune de Philippe Geluck depuis des lustres. Avec l'avènement du numérique, il connaît un regain de popularité sur les réseaux sociaux où son format rapide à scroller s’avère idéal. En librairie, la situation est comparable et ces dernières années ont vu une avalanche de titres reprenant ces codes apparaître sur les étales. Reste la question cruciale : le filon est-il inépuisable ?
Design minimaliste soigné, joli catalogue de personnages et suffisamment d’acidité ou de méchanceté, Soufflement de narines remplit toutes les cases du genre. J. Personne prend un malin plaisir à gratter là où ça fait mal, d’éreinter quelques tabous au passage et même de philosopher au comptoir. Silhouettes en noir façon publicité Apple© du début du siècle, arrière-plan uniforme et coloré et un savant filage thématique donnant un minimum de continuité à l’album, l’auteur démontre un talent certain. Si plusieurs facilités ou exploitation trop systématique d'un filon se font aussi remarquer, rares cependant sont les pages qui n’arrivent pas à provoquer au moins un sourire plus ou moins complice ou effaré suivant le cas. En résumé, la mécanique est efficace, mais il est impossible de ne pas discerner les ficelles sur lesquelles elle se repose. Un peu un comble pour un livre mettant de l’avant la dualité et l’hypocrisie diplomatiques des règles sociales de l’époque.
Ouvrage finalement très classique dans le fond et la forme, bien pensé et réalisé avec soin, Soufflement de narines fait passer un bon moment, c’est indéniable et déjà beaucoup. Cela sera-t-il suffisant pour se tailler une place au sein d’une offre déjà pléthorique ?
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