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aul Dampierre est un homme comblé. En ce beau mois de juillet 1956, il embarque sur L’Ulysse, le yacht de son oncle, en compagnie de Caroline, dite Câline, sa fiancée, ravissante et follement amoureuse. Douceur estivale, jazz et volupté sont au menu de ces nuits de croisière. D’abord ce sont les radars qui dysfonctionnent, puis la brume qui se mêle de la partie. Enfin, c’est la collision avec un cargo et Câline tombe à la mer. En peu de temps des voies d’eau sont repérées, l’évacuation est organisée, avec son lot de panique. Paul et un matelot irlandais, Patrick Morrisson, ne peuvent pas évacuer. Ils restent à bord, tandis que le bateau part à la dérive. Le loup de mer égraine les principales légendes marines : la cité d’épaves de la mer des Sargasses, les derelicts, le Hollandais volant, le Kraken. Au fil des heures, la surface de la mer se recouvre d’algues épaisses. Les deux hommes croisent et abordent l’Erebus, un autre bâtiment perdu. Ils y découvrent un homme seul et terrorisé, mais aussi les cadavres de l’équipage, les membres sectionnés. Leur errance reprend après qu’ils ont regagné leur vaisseau, les courants les entraînant inexorablement vers la cité perdue des Sargasses.
Le Cimetière des Sargasses est la réédition en intégrale d’un diptyque dont les pérégrinations éditoriales valent les déboires de ses héros. Un premier tome, Le Cimetière des fous, est paru en 1984 chez Dargaud, puis la série a été interrompue. Il faudra attendre 2015 pour que soit publié le second volume, Sargasses, aux éditions Albiana. Aujourd’hui, c’est Idées Plus Éditions qui a la bonne idée de rassembler les deux opus et de les rendre accessibles. Le scénario est du prolifique Rodolphe (Kenya, Les Écluses du ciel), le dessin de Coutelis (A.D Grand-Rivière, Le Privé). Comme l’écrit Albert Uderzo dans sa préface, on y trouve « un bon scénario avec un début, un développement et une fin », « des personnages inquiétants sous leur aspect burlesque » et « un dessin réaliste fouillé ». Il s’agit bien là d’une aventure classique, portée par un suspens subtil, des personnages attachants et un mélange des genres bien équilibré. Ce cauchemar maritime est narré dans l’esprit de Jules Verne ou de H.P. Lovecraft. L’imaginaire renvoie à des séries telles que Bernard Prince, Jérémiah ou Les Eaux de Mortelune.
Coutelis s’en est donné à cœur joie à dessiner ces carcasses rouillées, ces entrelacs de câbles et de cordages, ces pontons de fortune et cette atmosphère humide. Les personnages sont marquants par leur beauté (Queen), leur fourberie (Le Grand Coordonnateur), leur détermination (Morrisson) ou leur mélancolie (Dampierre). Rythme enlevé, action, humour, un soupçon d’érotisme et un zeste de romantisme sont les ingrédients parfaitement dosés de ce cocktail corsé et rafraîchissant. Il est aberrant que cette mini-série n’ait pas été soutenue en son temps. Voilà une injustice réparée. Attention, il n’y a que mille deux cents exemplaires mis sur le marché.
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