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oût 1973. Caché dans le coffre d’une voiture, Mario arrive en France. Le Portugais fuit la conscription imposée par son pays empêtré dans une guerre coloniale en Angola. Il rencontre rapidement Nel et Zé, avec qui il prend la direction de la capitale, où il se déniche un emploi de maçon. Il vit dans un bidonville avec quelques dizaines de compatriotes. Petit à petit, il se construit une nouvelle vie. Puis il y a la jolie Eva.
À travers le portrait d’un personnage, Olivier Afonso raconte l’odyssée de sept cent mille clandestins ayant suivi le même chemin entre 1957 et 1974. Le protagoniste n’a rien de particulier ; cette banalité fait d’ailleurs son intérêt et le rend attachant. Le scénariste le dépeint dans une sorte de tiers-monde avec ses taudis, patrons retors et policiers corrompus. Mais, loin de se complaire dans un narratif misérabiliste, il insiste plutôt sur la solidarité, la tendresse et l’amour. Et au final, comme dans les contes de fées : ils se marièrent et eurent un enfant (ou plus, l’histoire ne le dit pas).
Et si ça se trouve, le héros est aujourd’hui un vieux monsieur sympathique comme tout et fier de son fils lorsqu’il a passé son bac. Il a probablement tendance à s’endormir devant la télé, mais pas quand le bulletin de nouvelles présente un reportage sur la jungle de Calais.
Le dessin charbonneux de Chico s’apparente à ceux d’Olivier Jouvray, Christophe Blain ou encore Manu Larcenet. Son trait, un peu hésitant, voire imprécis, colle bien à l’état d’esprit de ces expatriés qui se réinventent loin de chez eux. Les illustrations sont rehaussées par les couleurs terres de Lou, lesquelles donnent au récit un air de western, en banlieue de Paris, il n’y a pas si longtemps que cela.
Une chronique douce, et un peu amère.
J'aime bien ce genre de récit. Ici, ça me parle directement, les Portugais ont immigré massivement en France durant les années 70, le gouvernement local, celui de Salazar, étant une dictature sanguinaire ayant foutu le bordel dans le quotidien de gens simples ne demandant rien avec les foutus guerres dans les anciennes colonies. Le récit se focalise sur un duo de personnages et je dois dire que je suis touché par leur périple. Une partie de ma famille a immigré à cause des guerres (Russie et Algérie) et mon père par exemple fut ouvrier avec tout ce que cela peut induire malheureusement pour la santé. Le récit est poignant et je dois dire que c'est à la fois, beau et triste de voir de tels récits. L'histoire est simple, mais bien écrite et on sent que l'auteur y a mis son coeur, certes c'est romancé j'en conviens, mais quand on sait que ça parle en partie de l'histoire de sa famille, on comprend mieux. Ce n'est pas un récit aux multiples péripéties, mais c'est un portrait un de gens simples et dont le quotidien parle à tous et toutes. C'est plaisant et captivant. Les dessins, sont comme pour d'autres BDs du genre, simple, mais réaliste et avec un ton et des couleurs sobres. Bref, c'est beau, passionnant et on a envie d'en savoir plus sur cette migration massive et l'histoire de ceux qui la composaient.
A travers les péripéties de Nel et Mario, deux jeunes Portugais immigrés clandestins en France en 1973 pour échapper au dictateur Salazar et à la guerre en Angola, les auteurs nous racontent la période pendant laquelle le Portugal a connu l'exode la plus massive de son histoire. Le seul horizon de ces migrants était le travail sur les chantiers du bâtiment et la vie dans les bidonvilles.
Le dessin de Chico est "brut de décoffrage", ce qui est finalement tout à fait adapté. Le scénario d'Olivier Afonso est remarquable, d'une part parce que les notes historiques sont rares et discrètes, et d'autres part parce qu'il est impossible de reposer la BD avant de l'avoir terminée.