D
’abord pièce de théâtre, Les Représentants change de «planche» et arrive en bande dessinée aux Éditions Virages graphiques. Ce texte signé Vincent Farasse se compose de cinq scènes se déroulant le jour d’élections présidentielles passées. David Prudhomme a choisi 1995 et l’avènement de Jacques Chirac, Alfred le traumatisant 21 avril 2002, Anne Simon le retour de la gauche avec François Hollande en 2012 et Sébastien Vassant, l’arrivée du quasi-inconnu alors Emmanuel Macron en 2017. Comme aucun d’entre-eux ne s’est porté volontaire pour Nicolas Sarkosy en 2007, ils ont été obligés de collaborer ensemble afin d’évoquer cet épisode.
Qui dit démocratie et suffrage universel, dit peuple et, plus que la politique, c’est bien des êtres de chair et de sang dont il est question dans ces récits. Des parents qui se rencontrent pour régler un problème concernant leurs enfants respectifs, des amants qui se retrouvent des années après, un décès rassemble une famille se déchirant derechef à propos de l’héritage, un voisin s’invite provoquant une crise dans un couple et une jeune femme aux abois est forcée de subir le pire dans l’espoir d’améliorer sa situation. Cinq instantanés pris sur le vif détaillant le monde contemporain et mettant à nu des personnages. Les échanges sont vifs, terribles ou drôles suivant le cas et toujours révélateurs. Le dramaturge a su trouver les mots justes, aussi bien pour décrire le dérisoire que le plus tragique. Et les résultats des urnes ? Ils finissent par tomber ne générant que bien peu d’intérêt finalement. L’Élysée, c’est loin.
Sur le plan BD, l’adaptation s’avère moins accrocheuse. Même avec tout le talent des artistes en présence, les différences intrinsèques entre spectacle vivant et narration séquentielle torpillent l’exercice. La dynamique, le son et le rythme de la prose de Farasse ont été pensés pour être vécus et déclamés par des acteurs. Leur retranscription sous forme de cases et phylactères n’arrive malheureusement pas à véritablement les mettre en valeur. Certes, plusieurs passages se montrent intéressants, voire percutants (la déchirante confession de la mère de Kylian, par exemple), mais, comme l’action se résume à une simple série d’échanges et de discussions, la lecture devient rapidement monotone, car trop figée.
Sujets sociaux et humains universels, énormément d’affect et de sensibilité, Les Représentants est une œuvre riche en parfait accord avec son temps. Par contre, trop marquée par une écriture dramatique prévue pour la scène, cette version «neuvième art» peine à convaincre à cause de son approche littérale et trop frontale. Dommage.
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