S
atan règne en maître sur les Enfers et, jusqu’à présent, tout fonctionne sur des roulettes. Son fidèle Belzébuth s’occupe des affaires courantes, les damnés cuisent dans les marmites et il y aurait même un regain au sein des églises satanistes (merci au hard-rock). Mais voilà, la situation environnementale de la Terre n’est vraiment pas brillante. Pollutions, changements climatiques et autres chutes de la biodiversité… Et si les êtres humains courraient à leur perte ? Qui restera-t-il à tourmenter jusqu’à la fin des temps ? C’est sans compter que Satan aime bien les oiseaux et les petites fleurs. En bon dirigeant, il se doit de réagir et imagine de provoquer un éveil vert sur la Planète bleue. Il a des contacts, de l’influence et une certaine expérience en matière de manipulation des masses, ça devrait marcher.
Projet dynamique et complètement déjanté, Satanisme & écoresponsabilité est né dans la Webtoonfactory, la première plateforme de création de webtoons en Europe. Après cette publication numérique initiale, Loïc Sécheresse change de sens de lecture et de support et amène sa sulfureuse saga verte chez Dupuis. Deux cents pages d’une épopée improbable dans laquelle se croisent et se recroisent démons divers, ministres, activistes, écoterroristes, fidèles croyants, plus deux goélands et un faisan. Entre farce sérieuse et pamphlet incendiaire, ce livre cri du cœur passe en revue et à la moulinette la crise climatique et les actions insuffisantes entreprises pour la circonscrire.
Humour de haut vol que ne renierait pas Binet, graphisme minimaliste à la Reiser ou Éric Salch et un savant mécanisme narratif choral qui rappelle le sous-estimé Boboland de Dupuy et Berbérian, Sécheresse avance à cent à l’heure et tire à vue sur tous les sujets du moment. Il pointe immanquablement les paradoxes – volontaires ou pas – de nos agissements de tous les jours. Greenwashing à pas cher, solutions iniques des politiques et des industriels ou simple refus de voir la réalité des choses, personne ne sort indemne de ce long et dense ouvrage aussi désespéré (voire désespérant) que drôle.
Techniquement, sur le plan BD, le passage en album s’avère moins percutant. Prévu à l'origine pour être lu rapidement sur un appareil mobile, l’impact et l’urgence de ces innombrables épisodes peinent à se retranscrire sous la forme papier. Les scènes s’enchaînent inlassablement sans aucune respiration ou moment de recul. En gros, ça va bien trop vite pour les pupilles et le cerveau. Certes, il est toujours possible de ralentir le rythme de lecture et prendre le temps de déguster. Malheureusement, les illustrations et le découpage volontairement lâchés invitent exactement à l’opposé. Résultat, ce manifeste si intelligemment imaginé et écrit devient un long et harassant chemin de Compostelle sous un soleil de plomb. Dommage, entre un traitement original et une thématique ô combien cruciale, tous les éléments d'un titre culte ou de référence étaient réunis.
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