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uillet 1718, à l'issue d'une prise dans la mer des Caraïbes, le Capitaine Sylla offre à son second, Olivier de Vannes, un équipage et le navire abordé. Sitôt baptisé - Le Fortune - que le vaisseau croise L'Esperanza, un bateau portugais à la dérive. À son bord, des esclaves, mutins mais pas marins. La Reine Maryam et ses guerriers ont brisé leurs chaînes, tué leurs geôliers et pris les commandes de leur embarcation sans aucune connaissance. Les pirates décident de les aider. Direction Providence pour retrouver leurs comparses et faire le point sur cette situation inédite.
L'imaginaire collectif a gardé en mémoire nombre de pirates : Barbe Noire, Anne Bonny et Mary Read, John Rackham, Sam Bellamy, Black Barth Roberts... De tous genres, de toutes conditions et de tous pays, ils ont laissé une trace jalonnée de pillages et de violence mais étaient-ils aussi mauvais et avides de richesses et de sang que l'histoire le prétend ? C'est à la lecture de ce postulat que Ronan Toulhoat (dessins et couleurs) et Vincent Brugeas (scénario) ont décidé de livrer leur République du Crâne. En rappelant le contexte dans une longue et précieuse préface, les auteurs affichent un parti-pris osé mais pertinent qui éclaire ces « hors-la-loi des mers » sous un jour d'emblée captivant au regard de la situation politique et sociale aujourd'hui. Évidemment; pour une bonne histoire, il faut également des personnages forts et celle-ci n'en manque pas. La galerie imaginée par le scénariste vaut le détour : Sylla, leader charismatique aux envolées lyriques, Olivier moins exubérant mais tout aussi inspiré, Lenoir, fidèle et précieux marin à la mâchoire carrée, Maryam la reine aussi mystérieuse que dangereuse etc. En plus de ces protagonistes, le décor est choisi avec soin. Après la Méditerranée et ses intrigues entre Byzantins et Normands (Ira Dei) puis les enquêtes dans un Moyen-Âge crasseux (Le Roy des Ribauds chez Akileos), la mer des Caraïbes, offre un nouveau terrain de jeu au dessinateur et se révèle un cadre idéal.
Tantôt calme, tantôt agitée, cet élément reflète à merveille l'âme des Pirates et Ronan Toulhoat l'exploite avec gourmandise. Tout n'est pas parfait et les spécialistes trouveront certainement à redire mais la mise en scène et l'énergie du dessin s'adaptent totalement à l'ambition. Les quelques scènes de combats navals moins limpides s'oublieront vite devant les superbes double planches et les perspectives et les changements de cadrage. Le dessinateur s’évertue à en mettre plein la vue sans jamais délaisser la fluidité. Tout glisse sur les planches comme les navires sur l'océan. Le souffle de l'aventure gonfle les voiles autant que l'orgueil de ces bandits des mers. Mais cette démonstration serait vaine sans un fond lui aussi bien construit. Le récit proposé par le co-scénariste de Nottingham intègre une dimension politique en abordant la notion de liberté. Ses pirates sont guidés par celle-ci qui leur sert de moteur, de catalyseur et de révélateur et s'avère un élément déterminant dans l'épopée que les auteurs content. Qu'ils la réclament, la perdent, la défendent, c'est cette liberté qui les guident et c'est en son nom que ces révoltés confrontent leur vision sur un monde qui change à vitesse grand V quitte à faire et défaire leurs alliances. Un spectacle qui mêle petite et grande Histoire pour le plaisir des lectrices et lecteurs. D'ailleurs, il est judicieusement prolongé par un dossier en fin d'album qui enrichit encore et documente parfaitement l'époque et les inspirations.
Mission accomplie pour le duo d'auteurs. Ce République du Crâne respire les embruns, le rhum, la poudre et l'aventure. Très bien mené et magnifiquement mis en scène, ce copieux titre (plus de 200 planches !) peut atterrir tout en haut des recommandations du genre.
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Une belle et bonne BD didactique qui prend le parti des pirates, et qui permet de mieux connaître le milieu -notamment avec les textes d'introduction et de conclusion- mais qui "pêche" étonnamment par des détails assez grossiers : le beau gosse Sylla, trop beau pour être vrai, la reine Maryam un peu trop lisse qui apprend à naviguer et à parler une nouvelle langue en quelques semaines. Dommage car on se laisse emporter dans cette histoire étrange très bien illustrée de somptueuses scènes de combats, et dont on imagine le dénouement malheureux. Dans ma médiathèque, cette bd est classée dans la catégorie ados, je trouve qu'elle y est bien à sa place.
Histoire très intéressante. J'ai beaucoup aimé la préface et l'annexe à la fin, car j'ai appris bien des choses sur la piraterie, en dehors des sentiers battus.
Le scénario exploite bien le contexte historique, néanmoins son rythme ralentit progressivement.
Le dessin est agréable, mais assez banal. Ce n'est pas le point fort pour moi de cet album.
Vraiment un bon album. C'est divertissant sans être débilisant. Un vrai plaisir à la lecture, pour ma part sans aucun ennui, autant pour le scenario que les dessins.
Je ne connais pas beaucoup le contexte historique et ne suis donc pas en mesure d'en apprécier la portée historique. Je peux dire en revanche que la symbolique "pirate" m'a plu même si elle est probablement distinguée avec trop de panache dans cet album.
J'ai pourtant beaucoup aimé Le Roy des Ribauds, mais là, j'ai trouvé le dessin assez quelconque (beaucoup plus classique) et surtout, je n'ai pas adhéré au début de cette histoire, qui pars trop vite pour moi, et avec des dialogues très superficiels.
En gros, je m'attendais à une bd adulte et j'ai eu l'impression de partir sur une bd des années 50 devant distraire des adolescents...
Après quelques pages, je me suis malheureusement arrêté.
Mon avis porte donc uniquement sur les 1ères pages. Peut-être aurais-je dû insister.
J'ai bien aimé l'histoire qui nous présente la piraterie et les pirates sous un jour différent de ce qu'on lit habituellement. Peut-être un peu trop idyllique, mais c'est le parti-pris assumé des auteurs afin de remettre un peu les pendules à l'heure. J'ai moins accroché au dessin, un même personnage étant parfois difficilement reconnaissable d'une page à l'autre autrement que par un détail - une pipe, une coiffure... d'où les trois étoiles seulement.
A contre courant du flot de louanges, j’ai trouvé cet album dispensable.
Des planches certes superbes, mais une histoire assez banale.
Et surtout un parti pris manichéen, le gentil pirate et le méchant soldat!
La vraie histoire est bien plus complexe que ça.
Le récit oublie totalement le contexte de l’époque et raisonne avec la pensée convenue de 2020.
Il y a 400 ans, on avait d’autres préoccupations que de bien penser !
Il y a énormément de choses à dire sur ce one-shot de plus de 200 pages. Afin d'éviter de rédiger un pavé, je vais résumer le tout en quelques points:
- Une histoire de pirates riche en péripéties et doté d'un contexte bien posé
- De multiple thématiques sont abordées avec intelligence et nuance
- Plusieurs double pages de séquences d'abordage à tomber par terre
- Un très bon découpage et de très belles compositions de couleurs
- Des personnages bien écrits
- La présence de Barbe-Noire et Bartholomew Roberts apportent un cachet d'authenticité
- Un final déchirant et magnifique
Vous l'aurez compris, nous avons affaire à une œuvre absolument incroyable et qui résonne beaucoup avec l'actualité.
Conclusion: jetez-vous dessus si ce n'est pas déjà fait !
J'ai beaucoup aimé la philosophie des auteurs qui nous présentent les pirates sous un autre angle. Ce sont presque les insoumis du XVIII ème siècle ! La vie sera courte mais elle se fera dans la liberté et il n'y a pas de prix, ni de compromis possible.
J'avoue que dans mon image, les pirates étaient principalement des voleurs de marchandises sans foi ni loi. Il est vrai que l'image de Jack Sparrow de « Pirates des Caraïbes » a un peu romantisé la fonction. Il n'y a qu'un pas pour nous les présenter comme de véritables héros, défenseur des libertés individuelles ! On peut souscrire ou pas mais la réflexion est toujours très intéressante. Bref, il faut aller au-delà des préjugés !
Au niveau du récit, il est d'une intelligence remarquable. On s'aperçoit qu'il y a des codes à respecter dans cette pseudo démocratie. Moi, j'avoue que je me suis laissé convaincre.
C'est absolument à découvrir pour l'intelligence du propos et une certaine originalité dans la mise en œuvre.
Au niveau du graphisme, c'est véritablement royale avec une beauté des planches à tomber. L'utilisation de la couleur est également remarquable. C'est efficace et cela permet une lecture assez agréable. A noter une magnifique préface qui donne tout de suite envie.
Oui, je voterai bien pour la République du Crâne car elle n'est pas en marche et possède incontestablement de bonnes valeurs. Sinon, c'est un récit d'aventure comme je les aime avec une solide base historique. Vous aimerez aussi !
Franchement bien.
Ce n'est pas une histoire de pirates, c'est l'histoire de la piraterie.
Quand on aime, on n'est pas déçu.
Une excellente BD de piraterie qui sort du lot en cassant absolument tous les codes du genre et en posant un regard neuf et historiquement juste sur ce monde.
Les auteurs nous explique ce choix au travers d'un préambule de 3 pages.
Ainsi, au gré des 200 pages, on partage le quotidien d'une bande de pirates qui ne cherchent qu'à évoluer et vivre en hommes libres.
Et c'est là toute la question. Qui est cruel et sans foie, ni loi ?...
Le brave pirate, homme de parole et de raison, ancien esclave de la haute société, libéré de ses chaînes, et qui ne cherche rien d'autre que la liberté ?
Ou la haute aristocratie, assez riche et puissante pour construire et diriger le monde sur le dos de nombreux esclaves et qui est prête à détruire tous ce qui lui fais peur ou la dérange ?
C'est là toute la réflexion qu'apporte le duo d'auteurs à travers cette belle fresque de piraterie.
On s'attache aux personnages et notamment à Olivier de Vannes et aux interrogations qu'il apporte à travers son carnet de bord.
C'est habilement scénarisé et soigneusement mis en scène.
La république du crâne est un très bel ouvrage qui à le mérite et l'intelligence de donner matière à réflexion.
[...] Ce gros album où l’on sent une grosse envie de partager un univers si évocateur est peut-être un tournant dans leur carrière, l’ouvrage de la maturité artistique. En se rattachant immédiatement à la révolte des gilets jaunes, les auteurs assument un propos éminemment politique en rappelant ce qu’étaient d’abord les pirates du XVIII° siècle: des hommes révoltés contre un système injuste et qui rêvaient de fraternité. Ce n’est pas rien et cela permet de comprendre le traitement scénaristique qui marque la seconde surprise.
Si l’ouvrage comporte bien son lot de batailles navales, de combats sanglants et ses plans de navires majestueux, le narrateur, un étonnant idéaliste au regard de rêveur donne le ton d’un voyage où l’on souhaitera longtemps le dénouement heureux pour ces hommes et femmes intègres. Le cœur du projet n’est ainsi pas une nouvelle course épique comme l’a si bien fait Lauffray sur son Long John Silver. Au travers d’un échange épistolaire qui parsème les parties nous assistons à l’affirmation de la liberté des hommes, qu’ils soient africains arrachés à leur terre ou marins soumis à la tyrannie de leur capitaine sur ces navires militaires ou marchands qui étaient un absolutisme en miniature au service du Capitalisme naissant et des puissants engagés dans un commerce maritime mondial. Le parallèle est ainsi évident mais subtilement tracé avec notre époque, par un scénariste qui connaît son Histoire et les fils qui lient les époques.[...]
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Tout autant les histoires de pirates me plaisent (long john silver est un bon exemple), tout autant j’ai du mal a comprendre l’engouement pour cet album. J’ai eu du mal a le finir. Certes, c’est de bonne facture. Les dessins sont de tres bonne qualité, meme si les personages clés sont quelque peu idéalisés. Mais on s’ennuie dans le scenario car il ne se passe pas grand chose et le tout aurait pu être boucle avec 1/4 des pages. Mais peut-etre les longueurs symbolisent l’ennui qui devait régner entre combats a cette époque.
Très beau récit dans lesquel les auteurs ont choisi d’humaniser les pirates et d’en donner une vision romantique. Les pirates étaient-ils ces rebelles livrés à eux-mêmes, obligés de se battre pour demeurer libre et survivre ? Qu’importe, c’est beau et ça me plaît.
La première partie du récit est attendue: batailles navales et abordages, la routine du pirate. La seconde est plus inattendue avec cette tentation et cette tentative de sédentarisation et de retour au calme et à la paix.
Les dessins sont magnifiques avec des couleurs chaudes. Et puis cerise sur le gâteau, il s’agit d’une histoire complète, là où d’autres en aurait fait trois ou quatre volumes étalés sur 5 ans.
Cette BD est de celles à "double effet".
Premier effet : après un début qui prend son temps pour définir le contexte, le rythme de croisière s'installe avec ce qu'il faut de souffle et de tension. Rien ne manque au décor. Aucun doute alors, on est bien embarqués au cœur d'une bonne vieille aventure de flibuste, efficace et peuplée d'excellents personnages.
Mais c'est à ce moment-là qu'arrive le deuxième effet : l'aventure tourne court et prend un cap beaucoup plus politique. L'action cède la place à une réflexion humaniste faite de dilemmes, de cas de conscience et de convictions. Les pirates se retrouvent traqués, acculés et leurs rêves libertaires ne pèsent plus très lourd. Leur existence même - faite de pillages, certes, mais aussi d'honneur, de dignité et de respect - est un défi aux empires qui n'auront de cesse de l'éradiquer.
Ils ont contre eux l'ordre du monde.
C'est la fatalité de ces vies-là, les derniers feux d'une utopie égalitaire, que Toulhoat et Brugeas mettent en images avec réalisme et beaucoup de générosité dans ce superbe album, haletant, intelligent et dramatique, qui va beaucoup plus loin que ce que les codes traditionnels imposent au genre.
Beau et prenant. A lire absolument !
Depuis 2010, je suis de près le travail du duo Brugeas/Toulhoat notamment avec leur série emblématique "Block 109" et ses dérivés sur laquelle je m'étais enthousiasmé. J'avoue, par la suite, avoir été moins réceptif à "Ira Dei".
Mais là, avec "la République du crâne" je retrouve toute mon âme d'enfance, même si ce one shot s'adresse à un public plus adulte, lorsque je découvrais les films de pirates à la télé.
Hasard de mes les lectures, je viens de relire "le testament du capitaine Crown" et l'incontournable "Long John Silver" de Dorison et Lauffray est toujours dans mon esprit.
Mais c'est sous un regard neuf et nouveau, que Brugeas & Toulhoat nous présentent cette histoire de pirates, loin des trésors enfouis dans des îles inaccessibles, mais plus proches des valeurs humanistes, le tout magnifié par le dessin parfaitement maitrisé de Ronan Toulhoat. Il restitue parfaitement aussi bien les combats navals, que les scènes nocturnes qui sont d'une beauté renversante. Son dessin est tout nettement flamboyant.
Mais le point fort de cette bande dessinée réside sans hésiter dans son scénario. Autour de 4 personnages, Olivier de Vannes, la mystérieuse et intrigante Maryam, le flamboyant Sylla et l'insaisissable Abyeda, se retrouvent aussi bien la démocratie, le courage,la fierté, la loyauté et l'humanisme, des qualités souvent très éloignées du monde de la piraterie.
En outre, le choix du livre de bord pour nous raconter ce récit est assez audacieux et un pari risqué mais très payant.
Cet album de près de 210 pages se lit avec plaisir et envie, et on regrette d'arriver à la chute finale, abrupte et dure .
Il faut que noter que l'album est suivi d'un dossier assez bien foutu sur l'histoire des pirates, qui m'a appris pas mal de choses.
Ce one shot constitue pour moi une des meilleures lectures de cette année, et je suis sûr que je vais le relire souvent.
Bref un incontournable que tout amateur de bd se doit de lire.